Ce jeudi, la visite inopinée qu'a effectuée la ministre de la Culture, Khalida Toumi, au niveau du Palais du Bey d'Oran, ponctuée par une conférence de presse au TRO, était effectivement très singulière. Les journalistes conviés à la hâte, la veille, en eurent immédiatement confirmation dans l'empressement de la ministre à déclarer, à peine arrivée sur les lieux que : “La porte d'entrée du palais du Bey ne peut pas être détruite… Le site, c'est-à-dire, la porte d'entrée, le pavillon de la favorite, l'écusson espagnol… sont classés et protégés ainsi que tout ce qui se trouve dans un périmètre de 500 m selon la loi… et que par conséquent la carcasse de l'hôtel qui se trouve sur le site ne peut être ni vendue ni construite, c'est un site inaliénable qui ne peut faire l'objet d'aucune vente car faisant partie du patrimoine national !… et d'ajouter : “C'est là une décision du président de la République !…” En quelques minutes, la ministre met fin à une situation ubuesque et anormale, vieille de 20 ans, en faisant enfin prévaloir le droit, c'est-à-dire, le classement du site et sa protection, sur tout autre considération. De fait, la ministre met fin également aux spéculations entourant la destination de la fameuse carcasse de l'hôtel Châteauneuf, dont les travaux ont été lancés en 1986 et n'ont jamais été achevés laissant se dresser vers le ciel une tour de béton à quelques mètres du Palais du Bey et qui était devenue au fil du temps le symbole à Oran de la gabegie d'un système de fonctionnement et de gestion. Mais par là même, la précipitation de la ministre de la Culture seulement aujourd'hui à dénoncer “ceux qui envisagent la cession de la carcasse de l'hôtel Châteauneuf” et donc constituant une violation d'un site déclaré patrimoine national suscite moults interrogations, alors même que 48 heures avant sa venue à Oran, un individu s'est présenté sur les lieux affirmant que l'hôtel avait été racheté, et que des travaux devaient démarrer incessamment. Il faut dire que l'hôtel Châteauneuf est une histoire dans l'histoire, il aura coûté pour la seule réalisation du gros œuvre 50 millions de DA en 5 ans de travaux. Le dernier propriétaire connu, l'EGT Sidi-Fredj a tenté de vendre tout récemment par avis d'appel d'offres la carcasse de l'hôtel Châteauneuf. Les précédentes tentatives de cession de l'hôtel remontent à 1995 par l'intermédiaire du ministère du Tourisme, puis en 1996 par l'EGT Sidi-Fredj, en 1998 c'est au tour du CNP de publier un avis d'appel d'offres. Toutes ces tentatives ont été infructueuses et pour cause : les futurs acquéreurs ne pouvaient devenir propriétaires de l'assiette de terrain car justement se trouvant sur un site classé patrimoine national. L'autre raison de ces ventes infructueuses, l'emplacement même de l'hôtel qui ne dispose d'aucun accès, et d'espace pour y aménager, piscine, terrain de tennis tels que prévu dans le projet. Pour ce faire, il aurait fallu procéder ni plus ni moins à la destruction de la porte d'entrée du palais du Bey de son mur d'enceinte et d'autres dépendances également classés patrimoine national. Un véritable crime en somme qui a toujours été dénoncé à Oran. Pour la première fois, d'ailleurs l'on apprendra ainsi que l'autorisation de construire l'hôtel sur le site a été donnée “par au-dessous” par un cadre du ministère de la Culture de l'époque “le ministre Meziane qui s'était opposé au projet a été trahi par l'un de ses cadres !…” dira la ministre, ce dernier se faisant battre par le fait accompli, et l'on peu probablement imaginé que c'est pour éviter un autre fait accompli que la visite de jeudi a été organisée. Pour apporter plus de poids à ces déclarations, Khalida Toumi a laissé le soin à trois de ses collaborateurs de présenter le dossier : le directeur de l'Agence nationale d'archéologie, la directrice de la protection légale des biens culturels, le directeur du patrimoine. Ces trois personnes ont, en effet, confirmé que l'une des variantes désormais pour le site, est la démolition de la carcasse de l'hôtel Châteauneuf, la technique à utiliser n'étant pas encore définie. Dans la foulée, la ministre a annoncé que des experts vont définir un plan d'aménagement de l'ensemble de la zone et du site et déterminer par là même la future destinée du site, sa forme d'exploitation. F. Boumediene