Alors que l'opposition et la population sont descendues dans la rue pour dénoncer un coup de force des militaires, les nouveaux maîtres de N'Djamena promettent une transition impliquant tous les acteurs politiques. Les manifestations et les rassemblements qui ont lieu au Tchad, où au moins deux personnes ont été tuées, ont été dirigés contre le Conseil militaire de transition certes, mais ils ont laissé transparaître aussi une montée du sentiment antifrançais, qui s'est matérialisé par les slogans dénonçant le soutien de la France à la junte militaire dirigée par le fils du défunt maréchal Déby . Mardi, à N'Djamena et à Moundou, des Tchadiens ont laissé s'exprimer leur colère en brandissant des pancartes disant "non au néocolonialisme français", et brûlé le drapeau français, en s'en prenant à des symboles de la France, dont une station-service de Total qui a fait l'objet de saccage. Ce ressentiment à l'égard de la France est soutenu par nombre d'acteurs de la société civile tchadienne et des partis politiques qui, tout en condamnant la prise de pouvoir par le général Mahamat Idriss Déby, demandent le transfert du pouvoir aux forces vives (civils) et dénoncent l'entérinement par la France de ce qui est appelé comme une forfaiture (coup d'Etat). Ce ressentiment à l'égard de la France était déjà présent chez la classe politique et la société civile de plus en plus hostiles à la présence militaire de la France, qui entretient trois bases militaires, en appelant à rompre le pacte colonial de 1961, liant ce pays à son ancienne colonie à travers aussi le franc CFA. Et à l'instar des populations de nombre de pays francophones du continent, de s'affranchir de ce que Houphouët Boigny appelait "françafrique", comme cela a été noté lors des manifestations qui se sont déroulées au Sénégal et au Mali. Mais, bien qu'elle ne soit pas nouvelle, cette hostilité à la présence française a été exacerbée par les déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. La France est "préoccupée" pour la stabilité du Tchad après la mort du président Idriss Déby Itno, a déclaré Le Drian, qui a aussi justifié la mise en place d'une transition militaire, confiée au fils du président défunt, Mahamat Idriss Déby, en relevant que le président de l'Assemblée nationale avait renoncé à assurer l'intérim pour des raisons sécuritaires. "Nous sommes et serons à vos côtés", c'est en ces termes qu'Emmanuel Macron s'est adressé au nouvel homme fort tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, lors des obsèques du président Idriss Déby. Mais il a fallu que les manifestations antijunte militaire éclatent au Tchad, faisant au moins deux morts et des blessés, pour qu'Emmanuel Macron opère ce qui peut être interprété comme un revirement de la position française. D'abord en condamnant "avec la plus grande fermeté la répression des manifestations et des violences qui ont eu lieu à N'Djamena". Mais aussi, en rappelant à l'ordre les nouveaux dirigeants du Tchad. Macron dira qu'il n'est pas pour un plan de succession, mais pour une transition démocratique. "Je ne suis pas pour un plan de succession. Et la France ne sera jamais aux côtés de celles et ceux qui forment ce projet. Le temps est venu de lancer un dialogue politique, national, ouvert à tous les Tchadiens", a-t-il indiqué. Il n'en fallait pas plus pour que le président du Conseil militaire de transition du Tchad (CMT), Mahamat Idriss Déby, annonce un dialogue national inclusif pendant la période de transition qui doit durer 18 mois, la mise en place d'un "gouvernement de réconciliation nationale, l'organisation d'un dialogue national inclusif et l'élaboration d'une nouvelle Constitution."