Depuis le premier jour de ce mois de Ramadhan, les Laghouatis reviennent aux traditions culinaires où les épices, le frik et le couscous sont de mise, mais aussi à la ferveur religieuse entourant les prières surérogatoires (tarawih), rassérénant un peu plus la convivialité des rencontres familiales. Plusieurs de ces coutumes ancestrales ont été quelque peu contrariées par les mutations de la société qu'impose la modernité. En effet, jadis, parmi les aspects de solidarité en vogue à Laghouat durant ce mois de jeûne figurent la dhouaga, ou l'échange de plats entre voisins, ou encore la pratique du dour, consistant en un regroupement pour le repas de la rupture du jeûne chez un des habitants d'un même quartier, à tour de rôle. L'occasion est propice, après le f'tour, pour des visites familiales autour d'un plat de délicieux baghrir (crêpes), accompagné de fruits secs et de thé, alors que les hommes s'adonnent volontiers à des parties de sig (bâtonnets), un jeu traditionnel répandu autrefois dans la région. "Sadaka bil Coran" (bonne œuvre par le Coran) se manifeste également pendant le Ramadhan, où une dizaine d'apprenants du Livre saint sont invités à des soirées familiales pour des récitations de versets coraniques et de chants religieux. Une tradition qui était autrefois associée aux cérémonies funèbres, puis élargie à d'autres occasions, notamment le Ramadhan, en signe de piété et de fête de l'avènement de ce mois béni, quoique beaucoup de ces pratiques aient perdu sensiblement du terrain ces dernières années. À ces traditions s'ajoute l'incontournable fête en l'honneur des enfants ayant accompli leur premier jeûne, célébrée le 15e ou le 27e jour du Ramadhan, en leur mettant du henné sur la main afin de les préparer et de les encourager à l'accomplissement de ce pilier de l'islam. Un vieil autochtone a indiqué qu'un jeu très populaire appelé "m'lette" a complètement disparu et est ignoré par la génération actuelle. C'est un jeu qui existait avant l'avènement de la télévision et qui était très prisé dans les années soixante-dix. Il consistait "à réunir deux équipes face à face, dont le nombre des joueurs n'était pas limité. Un membre choisi des deux équipes devait trouver un objet en métal – le baroud – planqué dans le creux de la main de l'adversaire, et ses camarades faisaient tout pour leurrer le chercheur. Parfois, le joueur qui gardait le métal passait des moments pénibles devant celui qui le sondait. Usant d'astuces et fixant bien dans les yeux les adversaires qui présentaient les deux mains fermées devant lui, il obligeait le malheureux porteur du baroud à se trahir". Ainsi, parmi une quarantaine de mains, il récupérait le "baroud". Du grand art, voire tout simplement de la malice et un sens de l'observation très aiguisé. Un jeu qui faisait recette parmi les jeunes et les moins jeunes. L'urbanisation qu'a connue Laghouat ces dernières années et le développement du commerce semblent être des facteurs ayant agi sur les comportements des familles. La nuit, les Laghouatis, souvent en famille, sont en quête de fraîcheur et de détente, loin de leurs demeures. De nombreuses familles sont attirées par les places publiques en s'installant pour de longues heures pour meubler leurs soirées en plein air. Depuis le premier jour du Ramadhan, les espaces verts jouxtant l'université Amaar-Telidji sont devenus, pour la circonstance, un cadre convivial. Dès la rupture du jeûne, de nombreux groupes et des familles convergent vers les esplanades pour profiter de la fraîcheur du climat nocturne afin de bien récupérer d'une dure journée de jeûne. Les théières et les grillades font partie du décor des soirées de ce mois béni, à l'initiative de nombreux jeunes qui installent des tables de fortune pour servir le thé ou des grillades. Les familles approchées affirment être énormément comblées dans ces espaces, lieu de rencontre avec les amis et endroits appropriés pour profiter de la clémence et de la fraîcheur du climat nocturne. En raison de la pandémie de Covid-19, les rassemblements autour de tables de dominos sous la lueur de faibles lumières, loin des regroupements familiaux, ne font plus partie du traditionnel décor des soirées du Ramadhan. BOUHAMAM AREZKI