Affectés psychologiquement mais aussi dans leur honneur, les enseignants de Bordj Badji-Mokhtar maintiennent leur décision de retrait collectif de cette wilaya jusqu'à satisfaction de leurs revendications liées à l'insécurité et à leurs conditions de travail et de vie sur place. Des centaines d'enseignants ont organisé hier un rassemblement de contestation devant le siège de la wilaya d'Adrar, suite à l'agression et le viol de 9 de leurs collègues lundi dernier dans leur logement de fonction collectif à Bordj Badji-Mokhtar. Des élèves, des citoyens lambda mais aussi des associations de parents d'élèves et de la société civile ont joint leurs voix à la communauté éducative d'Adrar et de Bordj Badji-Mokhtar pour dénoncer ce crime contre des enseignantes, dont une vivait avec son nourrisson de dix-huit mois, dans la nuit de lundi à mardi, exigeant que les auteurs de l'agression soient sévèrement condamnés. En signe de solidarité, des enseignants de Timiaouine, ville frontalière, ont, eux aussi, décidé de rallier ce mouvement de contestation et ils étaient présents au rassemblement d'hier devant le siège de la wilaya, qui, faut-il le rappeler, a suscité l'adhésion d'une douzaine de syndicats autonomes à Adrar. "Pas de reprise sans notre réhabilitation", "Nous résistons : l'enseignant est une ligne rouge", "La dignité de l'enseignant au-dessus de toute autre considération", lit-on sur les pancartes brandies par les enseignants et relayées sur les réseaux sociaux. "Le viol des enseignantes est un viol de l'école algérienne !?", "La dignité de l'enseignant avant mes examens", lit-on encore sur d'autres pancartes brandies par des élèves, dont certains étaient accompagnés de leurs parents. "Ils nous ont envoyés l'inspecteur général de l'éducation directement du ministère, mais nous ne croyons pas à leurs promesses", a déclaré une enseignante syndicaliste, jointe par téléphone, niant la présence d'une inspection ministérielle à Bordj Badji-Mokhtar, comme cela avait été énoncé hier par le ministère de tutelle. "L'inspection dont ils parlent au ministère n'est pas partie à Bordj Badji-Mokhtar, mais ses membres sont venus directement ici", a-t-elle ajouté, soulignant que les enseignants de cette wilaya, nouvellement créée, ainsi que ceux de Timiaouine n'ont aucune intention de reprendre les cours. Parlant d'une seule et même voix, les enseignants de ces régions ont décidé de boycotter les examens trimestriels qui ont commencé hier (bac blanc) et les examens nationaux (cinquième, brevet de l'enseignement moyen et le baccalauréat). Une rencontre entre les représentants du ministère de l'Education nationale et des membres du Sate devrait avoir lieu aujourd'hui à Adrar, selon les mêmes sources. Si les enseignants de Bordj Badji-Mokhtar dénoncent l'insécurité qui les empêche de travailler et de vivre dans la quiétude qu'ils méritent dans cette région au climat déjà hostile, ils dénoncent surtout le silence des autorités, des parents d'élèves et du ministère de tutelle, qu'ils n'ont eu de cesse d'interpeller depuis des années. La multiplication des agressions et des vols commis contre les enseignants, parfois à l'intérieur même de leurs classes, ne date pas de la semaine ou du mois dernier, durant lequel une dizaine de cas ont été signalés par les victimes et le Syndicat algérien des travailleurs de l'éducation (Sate). Les représentants du Sate, contactés par téléphone, affirment, preuve à l'appui, avoir alerté les autorités, à commencer par le ministère de tutelle, de la gravité de la situation, qui a fini par provoquer un drame que personne ne peut taire aujourd'hui, mais soulève également d'autres problématiques liées à la prise en charge de ces régions éloignées du centre de la décision politique, Alger, que ce soit dans le domaine de l'éducation que dans le domaine socioéconomique. Durant deux heures lundi dans la nuit, les auteurs de l'agression avaient semé la terreur, avant de prendre la fuite en volant argent, téléphones et ordinateurs portables des victimes, agressées à l'arme blanche. Les autorités affirment avoir interpellé 9 suspects, dont 4 auraient avoué avoir participé à cette agression. Les quelque 500 enseignants travaillant à Bordj Badji-Mokhtar avaient déjà annoncé leur retrait jusqu'à ce que leurs exigences de sécurité et de vie soient garanties.