Pour contraindre les citoyens à se faire vacciner contre le coronavirus, les autorités sont tentées d'instaurer un pass sanitaire pour tout accès aux administrations, aux lieux publics et aux transports entre autres. Le pass sanitaire sera-t-il généralisé après la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19 ? La question mérite d'être posée. Elle est d'autant plus légitime que des administrations publiques ont d'ores et déjà décidé d'imposer le fameux sésame aux fonctionnaires et même aux citoyens pour y accéder. C'est ce qu'ont décidé, en effet, le ministère de la Justice, le wali d'Oran et l'APC de Bab Ezzouar à Alger. Les trois responsables interdisent l'accès à l'administration pour toute personne non vaccinée. Cette décision est prise, pour l'heure, par les seuls responsables de ces administrations. Cela dit, elle ne répond pas à une démarche nationale, mais tout porte à croire que sa généralisation ne tardera pas à venir, surtout que l'Exécutif table sur un objectif de vaccination de 70% de la population avant la fin de l'année en cours. Au-delà de l'aspect sanitaire que cette décision revêt, il est opportun de s'intéresser également à d'autres aspects liés à une délimitation de l'accès aux administrations publiques. Les responsables ont-ils le droit d'empêcher un citoyen de se rendre dans une administration pour le seul motif qu'il n'est pas vacciné ? Ou autrement dit, ces responsables ont-ils le droit "d'imposer" le vaccin aux citoyens alors que les hautes autorités du pays ne se sont pas encore exprimées sur la question ? Pour des juristes, la décision d'un responsable ne peut, en aucun cas, suppléer la loi. Me Farouk Ksentini explique que l'interdiction d'accès aux personnes non vaccinées aux administrations "est illégale". Il a précisé, à ce propos, que "c'est une grave atteinte aux libertés personnelles". Faisant le parallèle avec le débat que le pass sanitaire a suscité en France, Me Ksentini considère que c'est sur le principe que nous devrions nous concentrer. Il n'exclut pas, pour autant, le recours des autorités à la promulgation d'un texte de loi, dans l'avenir, pour "légaliser" l'interdiction d'accès aux espaces publics, notamment aux administrations, pour "pousser les citoyens à se faire vacciner", tout en insistant sur le fait que "toute décision de réduction d'accès aux administrations publiques est illégale". Sur le plan médical, les chiffres donnés récemment par le ministère de la Santé concernant le taux de vaccination ne laisse aucun doute sur le caractère prématuré de ces interdictions. En effet, le Dr Fourar a fait savoir, récemment, que seulement "8 millions de personnes ont été vaccinées depuis le début de l'année", dont "5 millions ont reçu une seule dose" et uniquement "3 millions ont eu deux doses de vaccin anti-Covid-19". Un chiffre très en deçà, selon les spécialistes, du taux à partir duquel des interdictions pourraient, le cas échéant, être décidées. Ce qui rend caduques les décisions des trois responsables. De ce fait, il faut attendre le résultat de la campagne nationale de vaccination en cours, baptisée, à juste titre "Big day". Le Pr Kamel Djenouhat, président du conseil médical de l'hôpital de Rouiba, plaide pour la généralisation du pass sanitaire. Il conditionne, cependant la généralisation du pass à la disponibilité du vaccin et à un taux qui dépasserait les 70% de vaccinés. Le Pr Djenouhat se montre optimiste assurant que ce taux sera atteint d'ici à la fin de l'année et appelle "les gens à se faire vacciner". "J'encourage les citoyens à se faire vacciner parce que parmi les sujets malades, rares sont ceux qui sont vaccinés", a-t-il expliqué, ajoutant que "le pass sanitaire peut attenter aux libertés individuelles", mais "la non-vaccination a des méfaits sur la santé publique qu'il faut éviter". Le Pr Djenouhat a indiqué, par ailleurs, que le pass sanitaire pourrait s'imposer de lui-même lorsque "le vaccin sera disponible et que les gens refusent de se faire vacciner".