Handball-Division Excellence : Coup d'envoi de la nouvelle saison    Les attaquants restent encore fébrile, l'arbitrage en conflit avec la VAR    3 médailles d'argent et 1 en bronze pour l'Algérie    La valeur des investissements en cours du Trésor public avoisine les 5.970 mds DA    Le coordonnateur résident du Système des Nations unies en Algérie salue le rôle de l'Algérie pour instaurer la paix dans le monde    Forum syndical international: les participants appellent à une solution urgente à la cause juste sahraouie    Tizi-Ouzou: le 18e Festival culturel national du film amazigh du 26 au 30 octobre    Le président de la République reçoit l'ambassadeur coordonnateur résident du Système des Nations Unies en Algérie    Le président de la République préside la cérémonie de remise des lettres de créances de quatre nouveaux ambassadeurs    Les mesures relatives à la bourse des étudiants et des enseignants-chercheurs au pôle scientifique et technologique de Sidi Abdallah saluées    Soutien aux projets culturels et artistiques 2025: appel à candidature à l'endroit des associations    Sûreté nationale: lancement d'une campagne nationale de don de sang    Affaires religieuses: coup d'envoi des sessions de formation à distance au profit des étudiants des instituts nationaux de formation spécialisée    Palestine occupée: des colons prennent d'assaut un site archéologique à Naplouse    Cancer du sein: programme de sensibilisation au CHU de Beni-Messous    Boughali préside une réunion du bureau de l'APN    Boughali tient une réunion de coordination avec les présidents des groupes parlementaires    Le ministre tunisien des Affaires étrangères visite Djamaâ El-Djazaïr    Cérémonie de recueillement à Alger à la mémoire du Chef du Mouvement Hamas Yahya Sinwar    Une Commission de l'ONU appelle à une «action collective» contre l'occupation sioniste des territoires palestiniens    Manifestations dans des villes et capitales internationales pour dénoncer le génocide    Chute d'un jeune homme dans un puits de 10 mètres de profondeur    Campagne de sensibilisation au profit des étudiants sur l'adhésion au système de Sécurité sociale    Plus que 7 jours avant la clôture d'«Octobre rose»    Une histoire de succès mondial    Plusieurs activités seront désormais soumises au régime d'IFU    Série de mesures pour la diversification de l'économie    Le musée menacé d'effondrement    «Je n'ai pas de mots pour décrire l'horreur que l'on voit… en Palestine»    Appel à son enrichissement et à la restitution des biens pillés    Boxe: Imane Khelif dévoile son parcours sportif et se projette sur l'avenir    Une occasion pour l'Algérie de défendre les causes palestinienne et sahraouie    Marathon international d'Imedghassen: la 14ème édition a réuni 1.200 coureurs    Tennis de table/Championnat d'Afrique: médaille d'argent pour la paire Bouhenni-Nasri    Signature d'un protocole de coopération entre les armées des deux pays    UIP : Des pays arabes boycottent l'allocution du représentant de l'entité sioniste en réponse à l'appel de l'Algérie    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Shirine Boutella (et tant d'autres) : coupables de non-représentativité
L'Autre Algérie
Publié dans Liberté le 23 - 12 - 2021


Par : Kamel DAOUD
ECRIVAIN
L'actrice Shirine Boutella est coupable. De quoi ? D'un baiser dans un film. D'elle-même. De son corps. De son visage. Ou de sa liberté de vivre sa propre liberté. Ou de son succès et sa maîtrise qui lui ouvrent les portes du monde du cinéma et de l'universalité. Mais coupable de quoi, en résumé ? De "mal représenter la femme algérienne", selon ses procureurs numériques en identité. Son cyber-procès est ouvert avec un verdict après un baiser d'actrice dans un film de fiction. Jugements, insultes, menaces... l'actrice s'en relève, selon ses déclarations, mais éprouve ce qu'on éprouve après la haine collective, la meute, l'insulte au nom des "constantes", de la "culture", des traditions ou des jalousies. C'est une femme, une actrice en ascension permanente et elle est libre. De quoi attirer le venin millénaire de ceux qui vivent emprisonnés par eux-mêmes, ligotés par leurs propres lois absurdes et incapables d'assumer la vie et leur désir, sauf en les projetant dans le "paradis".
Mais là n'est pas le propos de la chronique. C'est surtout cet hallucinant leitmotiv politico-moral algérien : la représentativité. Le contraire de l'identification. Car pour cette dernière, c'est soi-même qu'on veut être semblable au héros du moment. Dans la "représentativité", c'est l'autre qu'on veut "conforme" à soi. Pour Shirine Boutella, il est répété qu'elle ne représente pas l'Algérie, qu'elle n'a pas à jouer son rôle ainsi, car elle porte atteinte à la représentation de la femme algérienne, etc. Le verdict de représentativité revient en politique, en morale, en manuel des traditions et pour fixer les canons de la séduction hallal ou "nationale", du cinéma, de la façon de s'habiller et de presque tout. Grande loi du peuple unanimiste, culture profonde du parti unique, séquelle de l'union sacrée. On le retrouve dans la bouche du dictateur ou de son opposant, se partageant le même instinct de servitude et d'interdits, la même méfiance envers la liberté.
À chaque fois qu'une âme algérienne, une personne, un talent se détache du lot, c'est le procès en représentativité qui lui colle au dos. Mais représentatif(ve) de qui ?
De quoi ? Et, d'ailleurs, pourquoi sent-on que l'autre doit nous représenter ? N'est-il pas libre de sa fulgurance, de son don ou de son dribble ? Pourquoi cette tendance nationale à la momification par un imaginaire mortifère ? Pourquoi chercher la représentativité comme des orphelins, jusqu'à en faire un trauma et un tribunal ?
Le procès en représentativité est même féroce en politique. Il y est dit que le "régime" ne nous représente pas, mais ce verdict a une extension nihiliste absolue : rien ne me représente et j'attaque toute représentation possible d'autrui. À chaque fois qu'une pluralité politique se dessine, elle est vite décapitée par le procès en représentativité. On l'a vu pour le soulèvement du 22 Février et ce que cela a coûté à cette colère que de refuser tout leadership au nom d'un procès en représentativité absolue. On sait ce que cela coûte à chaque élection que d'attendre la représentativité idéale pour finir par être représenté par le contraire absolu de ses aspirations. On voit chaque jour ce que cela installe comme dictature horizontale, refus de liberté et de réelle démocratie que d'attaquer toute personne qui se distingue par un avis libre, un opinion indépendante : autant que le "régime" qui ne le tolère jamais, les "démocrates" s'y appliquent avec la même ferveur inquisitrice.
La représentativité ? On la veut absolue, romantique, radicale, unanimiste, en mode parti unique et sans la moindre possibilité de dissidence. En politique, elle devient une opposition dictatoriale à la dictature telle qu'elle est définie. En morale, elle s'applique aux femmes, aux artistes, aux écrivains et à toute personne porteuse d'une différence, d'une expression ou d'une séparation. C'est alors qu'au nom de la représentativité, on va insulter, censurer et diffamer ou menacer.
Le procès a même un curieux domaine d'extension : les médias et cultures de pays étrangers qui oseraient venir parler des Algériens, selon leurs propres codes : un documentaire sur le Hirak qui questionne de jeunes Algériens différents ? Il sera "napalmé" au procès de la représentativité. Un clip de musique avec une danse lascive ? Autant. Un roman aussi. Une façon de s'habiller, une coupe de cheveux.... D'ailleurs, selon la représentativité, la femme doit être asexuée par la vertu, l'homme mort et vaniteux par le martyre, l'Autre un traître de facto, le frère fidèle à cause du même ventre et l'utopie une teinte majeure pour la nation et ses affects.
Expression d'une profonde angoisse utérine, de panique devant la différence et l'altérité, mais surtout d'une abyssale culture de l'intolérance face aux libertés et à l'individu. Une culture partagée, reconduite, installée et "mainstream" depuis l'épopée guerrière de l'indépendance : tout individu est une menace ; toute liberté est à détruire au nom de la représentativité ; toute différence est une traîtrise. Si on y ajoute le talent d'une actrice, son statut de femme, son indépendance et ses succès, voici la plus grande menace sur la virilité nationale, la "culture nationale", l'authenticité, les vertus des ancêtres, le "chouroukisme", le sang des martyrs...
Shirine Boutella n'est pas représentative, oui. On est d'accord avec la meute numérique. Elle n'est pas représentative de la représentation que l'on veut se faire et qu'on veut imposer de la femme et de l'Algérienne et de l'Algérien. Eh oui, il fallait la lapider puisqu'on ne peut pas réussir comme elle et vivre et rire et escalader et s'imposer et s'accepter. Elle n'est pas représentative, autant que beaucoup d'Algériennes et d'Algériens qui ne veulent pas penser, vivre et flamboyer comme la meute ou continuer à ne rien faire au nom du manque de représentativité ou à tout se permettre en croyant incarner la représentativité absolue.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.