La Cour suprême américaine va se prononcer sur la légalité des tribunaux militaires d'exception créés par l'Administration Bush pour juger des détenus de la “guerre contre le terrorisme”, gardés sur la base de Guantanamo (Cuba) pour certains depuis près de quatre ans. La cour, qui n'a fait aucun commentaire pour justifier sa décision, devrait examiner, vers le mois de mars, le dossier du Yéménite Salim Ahmed Hamdan, détenu depuis début 2002 à Guantanamo. Une décision pourrait intervenir avant la fin du mois de juin. Cet ancien chauffeur d'Oussama Ben Laden, qui pense avoir autour de 35 ans, avait été le premier prisonnier désigné par les autorités militaires pour être jugé devant une “commission militaire”, un tribunal d'exception mis en place spécifiquement pour juger quinze détenus de Guantanamo. Seulement quatre d'entre eux ont été inculpés à ce jour. Le 15 juillet, la cour d'appel fédérale de Washington avait offert une victoire à l'Administration de George W. Bush en tranchant en faveur des “commissions militaires”, très critiquées par de nombreux juristes. Un panel de trois juges fédéraux, dont John Roberts devenu depuis lors président de la Cour suprême, s'était appuyé notamment sur une résolution du Congrès, promulguée après les attentats du 11 septembre 2001. Ce texte accorde des pouvoirs accrus à l'Administration en matière de terrorisme. En raison de sa participation à l'arrêt de la cour d'appel, M. Roberts va devoir se récuser de l'affaire Hamdan, qui devrait donc être tranchée par seulement huit des neuf juges de la Cour suprême. Eugene Fidell, un juriste membre de l'Institut national de la justice militaire, a souligné que cette saisine entraînerait probablement une suspension des procédures à l'encontre des trois autres détenus de Guantanamo inculpés. Actuellement, le procès du “taliban australien”, David Hicks, est fixé au 18 novembre. Le porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, a indiqué que le ministère de la Défense était en train d'“évaluer la décision de la Cour suprême”. Aucune décision sur un éventuel report du procès de David Hicks n'a été annoncée. La cour d'appel de Washington avait estimé l'été dernier, à l'instar du gouvernement Bush, que la convention de Genève sur les droits des prisonniers de guerre ne s'applique pas à Salm Ahmed Hamdan. Le gouvernement américain considère les membres présumés d'Al Qaïda comme des “combattants ennemis” et non des prisonniers de guerre, en arguant qu'ils n'ont pas combattu pour un Etat formellement en guerre contre les Etats-Unis. Les avocats de Hamdan, au contraire, estiment qu'un jugement devant un tribunal militaire d'exception, créé ex nihilo par le gouvernement Bush, serait contraire aux règles du droit international. “Le dossier devant la Cour suprême porte sur l'autorité du Congrès face au président, sur le pouvoir constitutionnel du président et sur les liens entre la convention de Genève et le système judiciaire américain”, a expliqué Judith Resnik, professeur de droit à l'université de Yale.