Air Algérie et Djezzy signent un protocole d'accord pour un partenariat stratégique    Alger : plus de 235.000 arbres plantés durant la saison 2024-2025    Finances : Bouzred souligne la nécessité de poursuivre les efforts de modernisation de l'administration fiscale    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Japon    Décès de la journaliste Fatima Ould Khessal : la Direction générale de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    Université d'Alger 3 : création de 50 micro-entreprises pour contribuer au développement de l'économie nationale    Vers l'inscription du patrimoine archéologique de Tébessa sur la liste indicative du patrimoine mondial en Algérie    Guterres "horrifié" par la mort d'un employé de l'ONU dans une frappe sioniste contre Ghaza    Ghaza: plus de 40 martyrs dans de nouveaux bombardements de l'armée sioniste    Ghaza: le Hamas dit poursuivre ses négociations avec les médiateurs pour mettre fin à l'agression sioniste    Mondial 2026: l'équipe nationale intensifie sa préparation avant le match contre Botswana    CHAN 2024: premier entraînement à effectif complet depuis le début du stage    Le FLN réaffirme son plein soutien aux positions diplomatiques judicieuses de l'Algérie    Secousse tellurique de Médéa: une réplique de 4,0 degrés enregistrée    Merad en visite de travail à Constantine    Cible principale, l'Algérie et les Algériens    Décès de Fatima Ould Khissal, ancienne journaliste et animatrice à la Radio nationale    Appel à la vigilance des agriculteurs    Tournoi de la presse : Les 8es de finale lancés    A Gaborone pour la victoire...    Coupe d'Algérie 2025 (1/4 de finale) : Les dates et les stades connus    Nadir Larbaoui préside une réunion du Gouvernement    « L'Algérie est un modèle à suivre en matière de lutte contre le terrorisme »    Près de 100.000 personnes ont dû fuir des violences armées    Près de 11 000 tonnes de produits impropres à la consommation saisies à l'Ouest    Plus de 800 g de kif traité saisis, une arrestation    Plus de 100 g de kif traité, 401 comprimés de psychotropes saisis, trois arrestations    A l'horreur s'ajoute l'asphyxie humanitaire    Les condoléances de Tebboune pour la mort en martyr du pilote Bekouche Nasser    L'autre lutte pour le recouvrement de l'indépendance    Guelma accueille la 9e édition    Dans l'imaginaire littéraire et artistique algérien    Le documentaire "Les prisonniers algériens de Sainte-Marguerite" projeté à Alger    Mondial 2026/Botswana-Algérie: premier entraînement des Verts à Gaborone    «Loyauté envers les martyrs»    Manifestations à Washington et New York pour exiger la libération d'un étudiant miilitant palestinien        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De la difficulté d'être libre et d'accepter la liberté d'autrui
L'AUTRE ALGERIE
Publié dans Liberté le 10 - 02 - 2022


Par : Kamel DAOUD
ECRIVAIN
Il est si difficile de s'exprimer en France en tant qu'Algérien. C'est-à-dire dans les médias. Non tant à cause du verrouillage des thèmes proposés à chaque fois (colonisation, dictatures, islamismes), mais à cause des Algériens de France, d'ailleurs, d'Algérie. Pas tous, certains, virulemment. En France, les médias sont dans leur rôle, leur confort ou leur pente : simplification, curiosité pour un pays fermé (l'Algérie), volonté de comprendre ou de consolider des préjugés, professionnalisme et exploration, erreurs et admiration.
Le souci, c'est l'Algérie : comment en parler en France ? Comment dire ce qui ne se dit pas en général à cause de la censure communautaire ? Comment ne pas jouer aux rôles impartis par l'identité ou l'histoire des siens ? Comment ne pas céder à l'injonction de la représentativité, de la délégation, de la guerre imaginaire ? Sur un plateau télé, au maquillage déjà, on sent son propre visage devenir la pierre de ses inquiétudes, les mots s'enfuir, bifurquer. On se sait épié, attendu. On devine que la réaction sera violente, l'insulte vaste et la "e-meute" électronique féroce. Personne ne sera content car chaque clan a sa guerre à faire et à refaire à la France et veut que vous exprimiez ses positions. Les vôtres ? Non, jamais.
La parole n'est pas libre en Algérie à cause d'un régime qui ne peut le concevoir, et d'une hétéroclite opposition, ravagée par l'entre-soi, l'hyper-urbain algérois et la prise en otage par les suprématistes, les identitaires et les aigris des vieux courants politiques ou de l'idéalisme inquiétant. On n'a jamais été libre et on ne sait pas l'être ni l'accepter et cela se voit dans les manières du régime, dans les us de ceux qui s'opposent à lui, à vous, à moi, à chacun qui ne court pas dans le sens de l'orthodoxie ambiante. Le régime est un parti unique et l'opposition, souvent, aussi.
Le 22 Février 2019 a libéré la parole, mais aussi ceux qui vous la refusent.
C'est dire combien il est difficile de s'exprimer en Algérie à cause des intolérances, des injonctions de ceux qui affirment se battre pour la liberté mais vous refusent la vôtre. À cause d'un régime qui croit au monologue comme expression nationale. Et à cause de l'Histoire : ne pas être libre et être intolérant à la liberté d'autrui sont désormais une culture.
En France, c'est pire : la France d'aujourd'hui est difficilement accessible à la nuance, comme le reste du monde. L'exotisme est une pratique dans le traitement médiatique du "Sud" (dictateur méchant, peuple victime et opposant martyr : le triptyque du journalisme off-shore). Mais aussi le reste : les Français d'origine algérienne ont leurs convictions et leur douleur et leurs erreurs ; les Algériens de France ; les Algériens d'Algérie. Les morts, les exilés, les revenus, les refoulés, les convertis à l'Arabie et à la Turquie, les hirakistes numériques, les libérateurs de la Palestine virtuelle et les voleurs de l'amazighité, ou de l'islamité ou de de la Guerre de libération, les obsédés du remake de la décolonisation et les silencieux qui n'ont qu'une télécommande et une mosquée pour voyager dans le monde et au-delà. Comment concilier tous ces peuples ? En étant soi-même : exprimer ses opinions, dire ce que l'on craint et ce que l'on pense, avancer sans s'abaisser et dire sans reculer.
La liberté, la libération, commence par soi-même. À contre-sens. Sans moyen autre que soi-même, sans attendre le selfie ni l'éloge, l'immédiat partage ou la compassion. La liberté est une inquiétude, un pari, une façon de voir et d'y tenir.
Quid des interprétations, des procureurs des réseaux sociaux ? De ceux qui retiennent une phrase de toute la vie d'autrui ? De la grossièreté et de la diffamation ? Rien. L'Algérie d'aujourd'hui est piégée entre un régime qui ne sait pas se renouveler et se cramponne à la mystique refroidie de la sécurité et de la stabilité, et une opposition piégée par des activistes, qui a choisi les écrans aux villages de l'Algérie, qui a la fois se réclame du victimaire à l'international mais qui vous accuse d'être binational. Entre l'injonction de l'autorité, ses excès, ses prisons et ses incompétences, et ceux qui disent s'opposer mais qui ne sont qu'une forme du pouvoir sans le pouvoir pour le moment, qui cherchent une vengeance et pas à bâtir, qui veulent régler une rancune pas aller vers demain, qui mentent dans les médias pour croire lutter contre les mensonges du régime, etc.
Algérie qui se tait, prudente et réaliste, humble et méfiante envers le vide et les idéalismes, qui ne croit pas le "pouvoir" ni ceux qui disent s'y opposer et qui attend qu'on vienne la visiter village par village et gagner sa confiance.
Voilà. Après la libération, la liberté n'est pas encore une culture. Ni chez les uns ni chez les autres. Elle fait encore peur et provoque la prison chez le régime et la diffamation et l'insulte chez beaucoup de ceux qui disent s'opposer à lui. Mais elle est à défendre. En soi d'abord. Et beaucoup, dans l'Algérie muette, résistent et construisent au lieu de juger, moquer ou pleurnicher. Avancent sans se prendre en photo. Jaugent de la terre à chaque pas. Travaillent.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.