Alger estime que le phénomène de l'immigration clandestine “se nourrit de l'écart de développement qui existe entre les deux rives et de l'existence de filières spécialisées dans le passage des clandestins vers les pays du Nord, tolérées depuis longtemps”. Alors que l'Europe évoque la lutte contre le terrorisme et l'épineux problème de l'immigration clandestine qui constituent les principales préoccupations de Londres, Paris et Bruxelles depuis que la violence islamiste a frappé le cœur du Vieux Continent, le boycott des principaux pays de la rive sud de la Méditerranée achève de discréditer un processus qui au bout d'une dizaine d'années d'exercice n'a pas pu rapprocher le fossé existant entre les deux rives. Et c'est le principe de la prospérité partagée qui se retrouve remis en question. “Partenariat des plus mitigés”, “vent d'islamophobie et d'arabophobie se développe” et “la vie de l'Europe réelle relève de plus en plus du mirage”, l'Algérie dresse un bilan négatif. Dans son aide-mémoire présenté à Palma de Majorque, Alger souligne d'emblée l'hypocrisie européenne en matière de la conception du terrorisme. “Des organisations terroristes algériennes identifiées en tant que telles par le Conseil de sécurité n'ont pas été portées sur la liste européenne des organisations et personnes physiques liées au terrorisme”, commente le document de 18 pages. En revanche, si la volonté de l'UE de combattre la violence islamiste a été accueillie avec satisfaction, il n'en reste pas moins que cette “lutte devra veiller à être attentive aux conséquences du vent d'islamophobie et d'arabophobie qui se développent et qui ne sont pas sans effets sur les opinions publiques et les communautés arabe et musulmane installées en Europe déjà en butte à de multiples discriminations qui nourrissent chez elles un profond sentiment de frustration”. L'allusion est sans doute faite par rapport à la récente crise des banlieues françaises. Il faut dire que la mauvaise perception des relations Nord-Sud par l'Europe a induit de graves dysfonctionnements dans les objectifs même de la déclaration signée au lendemain des accords d'Oslo en 1995. En l'occurrence, la circulation des personnes. Alger exige que soient levées “les entraves à un déplacement plus fluide” et constate que depuis la Déclaration de Barcelone “ce domaine a enregistré une régression considérable et les conditions de circulation du Sud vers le Nord des citoyens et de ceux qui sont en charge de la mise en œuvre de ce partenariat sont devenues intolérables”. L'analyse de la situation explique en partie la poussée inhabituelle de l'immigration clandestine vers le Vieux Continent. “Ce phénomène de l'immigration clandestine se nourrit également de l'écart de développement qui existe entre les deux rives et de l'existence de filières spécialisées dans le passage de clandestins vers les pays du Nord, tolérées depuis longtemps”. Les critiques d'Alger ne s'arrêtent pas là. Le volet économique et financier a été également abordé. “L'argument consistant à dire aux partenaires méditerranéens que les décisions d'investissement relèvent de la seule sphère des entreprises, l'UE en tant que telle ne pouvant influer sur celles-ci, pose en effet la question du rôle incitatif qu'elle doit jouer à cet égard”, note le document qui relève par ailleurs que “l'écart de richesse entre l'UE et les pays du Sud s'est maintenu voire même augmenté”. Quant à la zone de libre-échange, l'Algérie considère qu'“une attention devrait être accordée aux barrières non tarifaires de l'UE de loin plus importantes qui continuent de freiner l'accès des produits de nos pays au marché unique européen”. Le document précise, par ailleurs, que “la question de la dette qui devrait faire l'objet d'une attention particulière dans le cadre de notre partenariat n'est pas venue à l'agenda de notre dialogue alors que nos échanges sont restés dans la même logique du déficit en notre défaveur à savoir 12 milliards d'euros en 2003. Le déficit serait plus important et avoisinerait les 26 milliards d'euros si l'on exclut les hydrocarbures”. Aujourd'hui, si le bilan s'avère en deçà des attentes, rien n'augure de perspectives meilleures d'autant que la politique européenne de voisinage dont la Conférence de valence en 2002 en avait pourtant donné un nouveau souffle, risque fort d'accentuer le déséquilibre des engagements entre l'UE et des voisins de la rive sud. Salim Tamani