Les travailleurs de Socothyd menacent de se déplacer à Alger pour exiger des responsables de la SGP Gephac de rejeter l'offre d'achat de leur entreprise formulée par un privé pour un prix fixé à 800 millions de dinars, alors que l'entreprise est évaluée à presque 200 milliards de dinars. C'est cette différence de taille qui a fait réagir également le conseil d'administration de l'entreprise qui a saisi, le 13 novembre 2005, la SGP Gephac pour lui signifier qu'“il est souhaitable que la reprise de Socothyd se fasse à la valeur de son actif net”. Or cet actif net est de 630 681 millions de dinars auquel il faut ajouter un stock de matières premières et pièces de rechange évalué à 650 683 millions de dinars, sans parler du patrimoine immobilier évalué à 128 millions de dinars correspondant à 85 345 m2 de terrain dont 26 863 m2 bâtis situés en plein centre-ville, dans une zone hautement sécurisée. Socothyd, c'est aussi un nom, une référence et un label qui occupe 80% des parts de marché dans la production du tissage, gaze, articles d'hygiène divers et surtout la bande plâtre. Un produit lancé l'année dernière à coup de millions de dollars et qui a réduit considérablement la facture de l'importation et soulagé les hôpitaux. Ce sont justement ces établissements et par ricochet les populations de l'Algérie profonde qui bénéficient de “la nature publique” de Socothyd dont la santé financière est aussi l'un de ses autres points forts. Malgré les appel incessants pour sauvegarder cette entreprise dans le giron des “entreprises publiques”, Socothyd sera tout de même concernée par la privatisation. Seulement voilà, cette opération se trouve contestée de bout en bout par le partenaire social. “Au début nous avons été contre la vente et puis le P-DG nous a induit en erreur en nous affirmant que Socothyd coûte cher et qu'elle est inaccessible aux travailleurs”, affirme M. Mekiri. Un autre membre ajoute : “Nous n'avons pas été informés suffisamment sur la procédure à suivre pour la formule RES (Rachat de l'entreprise par les salariés) et aucun document n'a été mis à notre disposition, excepté une feuille 21/27 se rapportant à l'instruction n°6 du 4/7/2004 émanant du CPE.” Ce n'est qu'après avoir réalisé l'avancée du “rouleau compresseur” de la privatisation et que des acquéreurs se sont présentés au siège de l'unité pour les visites d'usage que les représentants des travailleurs ont eu une première réaction. D'abord, ils contestent, dans une lettre adressée au SGP datée du 8.05.2005, la signature de protocoles d'accord que les responsables de l'entreprise auraient signé sans leur participation avec 5 acquéreurs potentiels. M. Mekiri affirme aussi que le P-DG a distribué des fiches de vœux à quelques cadres et des travailleurs de son entourage sans que le partenaire social soit informé et sans qu'une assemblée générale soit tenue. Le conseil syndical saisit ensuite la SGP lui signifiant que “le partenaire social ne peut se prononcer tant que la diffusion de l'avis d'appel d'offres ou manifestation d'intérêt ne soit apparue dans des journaux et sur site Internet”. Les représentants des travailleurs saisissent, en date du 11 novembre dernier, le président de la République et le Chef du gouvernement leur demandant en substance de “ne pas valider la consultation”. Le P-DG de Socothyd, Achaïbou Mustapha, admet lui aussi l'insuffisance de l'offre tout en ajoutant que la soumission avec deux offres seulement risque d'être rejetée. “Socothyd, c'est deux mille milliards brut et 1 500 milliard net, je ne veux pas moi non plus qu'elle soit cédée à ce prix”, précisera-t-il. Le P-DG rejette les affirmations du conseil syndical. “C'est faux, ils étaient informés de toute la procédure de rachat par les travailleurs mais ils n'ont rien voulu entendre” ,explique-t-il. Et, pour étayer ses propos, il exhibe un procès-verbal d'une réunion tenue au siège de la SGP Gephac à laquelle ont pris part des membres du syndicat. Et il ajoute : “Nous avons réuni plus de 500 travailleurs en plein air et nous leur avons expliqué la nécessité de reprendre l'entreprise par les salariés, mais les syndicalistes ont boycotté cette assemblée.” Et d'ajouter : “Sur les 650 fiches de vœux distribuées pour la formule RES, nous n'avons récolté que 27 seulement, car certains syndicalistes ont incité les travailleurs à ne pas souscrire à cette opération.” Les instances syndicales (unions locale et de wilaya) rejettent, quant à elles, la responsabilité sur “l'ex-conseil syndical qui ne s'est pas manifesté comme il se doit sur le dossier de la privatisation”, mais aussi “sur le P-DG, responsable également de l'anarchie qui prévaut à Socothyd”. M. T.