Les négociations entre les deux pays ont buté sur le taux de change de la rouble par rapport au dollar US. Les ministre des Finances et le gouverneur de la Banque d'Algérie étaient, lundi dernier, à Moscou pour finaliser les négociations portant sur le règlement de la dette militaire contractée auprès de la Russie, le principal fournisseur d'armes de l'Algérie, a-t-on appris de source sûre. Il s'agit pour les deux parties de conclure un accord qui sera signé, en principe, lors de la visite du président Poutine à Alger, prévue les 10 et 11 de ce mois. Les discussions difficiles entre l'Algérie et la Russie avaient achoppé sur le taux de change. Doit-on calculer le montant de cette dette sur le rouble historique ou sur le rouble actuel qui vaut aujourd'hui pas grand-chose. Il faut actuellement 10 000 roubles pour un dollar, indique une autre source sûre. Dans le second cas de figure, la dette militaire contractée auprès de la Russie devient insignifiante. Moscou défend la première option, Alger la seconde. “Pour la Russie, le calcul devrait s'établir sur le taux de la rouble or (deux dollars pour une rouble)”, confie une autre source proche du Club de Paris. On s'acheminera sans doute vers un compromis. La question du règlement de cette dette était posée au cours de la décennie 90. Estimée entre 1 et 5 milliards de dollars, elle avait été traitée, au départ, à travers le remboursement via la vente de marchandises à partir de 1995. En clair, l'Algérie avait commencé par rembourser en exportant différents produits vers la Russie. Une solution qui s'est avérée inefficace (voir l'article sur les exportations). Son règlement avait été par la suite gelé pendant de nombreuses années. Cette question est devenue d'actualité, quand la Russie, membre du Club de Paris, avait exigé que tout remboursement par anticipation de la dette extérieure algérienne auprès de cette enceinte doit passer par le règlement de la dette militaire contractée par l'Algérie. C'était donc la Russie qui bloquait la réduction significative du volume de la dette extérieure algérienne à travers le remboursement anticipé de la dette. Car la dette, éligible et donc matière à traitement auprès du Club de Paris, porte sur 9 à 10 milliards de dollars. Il s'agit d'un gros paquet qui, s'il est remboursé, va rendre la dette globale du pays insignifiante : entre 5 et 10 milliards de dollars seulement. Son service devenant très faible, l'Algérie peut alors consacrer une plus grande part de ses ressources financières à la satisfaction des besoins de la population ainsi qu'à la modernisation du pays. Un règlement calqué sur le précédent syrien ? Entre-temps, la Russie concluait avec la Syrie un accord qui réglait le remboursement de la dette militaire contractée par ce pays. L'Algérie a alors demandé la réciprocité. Elle a lié la conclusion de gros contrats d'armement avec Moscou, au règlement de cette dette à des conditions favorables, similaires, du moins proches avec celles accordées à Damas. Grâce au rapprochement diplomatique entre les deux pays, une commission mixte avait été créée. Elle s'est réunie l'année dernière à Moscou. Le ministre des Finances russe s'est rendu récemment à Alger à cette fin. En bémol, le déplacement des hauts responsables algériens pour boucler la boucle. On est sans doute proche d'un accord. Comment sera traitée cette dette ? Le remboursement à travers la vente de marchandise sera vraisemblablement écarté. Plusieurs options peuvent être retenues : la conversion de dettes en investissement, la création d'un fonds d'investissement réservé au partenariat entre les entreprises des deux pays, des prises de participation dans des entreprises algériennes. Une fois cette question réglée, rien ne s'oppose à la demande algérienne auprès du Club de Paris portant remboursement anticipé de la dette extérieure du pays. Cette enceinte fonctionne par le principe de consensus. La Russie étant d'accord, on voit mal les autres pays membres s'y opposer. Mais si le consensus semble après le remboursement de la dette russe une simple formalité, il reste que l'engagement de chaque pays dans ce processus est volontaire. Ce qui intéresse au plus haut point l'Algérie, c'est de rembourser sa dette la plus chère, celle contractée auprès de l'Allemagne et de l'Italie. Mais il est avantageux de rembourser la globalité, c'est-à-dire les 9 à 10 milliards de dollars. D'où des efforts diplomatiques à mener pour convaincre les pays membres du Club de Paris concernés d'accorder ces paiements anticipés. Pourquoi l'Algérie tient-elle à ce remboursement de la dette par anticipation ? Parce qu'elle perd de l'argent. Le placement de ses réserves de change ne lui rapporte que 2%. Parallèlement, elle doit payer des intérêts entre 7 et 11% sur la dette contractée à l'égard de l'Italie et de l'Allemagne. C'est trop cher. L'Algérie économiserait de l'argent si elle employait une partie de ses réserves de change à rembourser sa dette par anticipation, surtout celle contractée auprès de l'Italie et de l'Allemagne. La question de la dette russe réglée, les relations économiques entre l'Algérie et la Russie vont crescendo. Les entreprises russes peu présentes en Algérie, à l'exception de la compagnie pétrolière russe Rosneft Stroytransgas, pourraient profiter des formules de remboursement retenues dans le cadre de l'accord. Alger et Moscou ont intérêt également dans le cadre de l'accord stratégique conclu ces dernières années à coordonner réellement leurs politiques énergétiques, surtout dans le domaine du gaz, les deux pays comptant comme principaux acteurs du marché gazier international. N. Ryad