À peine deux ans et demi d'existence et déjà des crises à répétition. Depuis sa création en 2003, le Conseil français du culte musulman (CFCM) ne connaît pas l'apaisement. Cet organisme a été voulu par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy qui, en sa qualité de ministre des Cultes, souhaitait trouver des interlocuteurs pour discuter avec eux pour permettre à la deuxième religion de France et à ses 5 millions de fidèles de vivre sous la lumière de la République. Ministre des Cultes mais surtout de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy est obnubilé par les questions de sécurité. En voulant faire sortir l'islam de l'ombre des caves et des sous-sols, il avait surtout pour objectif de contrôler les jeunes fidèles de plus en plus nombreux à fréquenter les salles de prière. Autant de candidats potentiels pour les réseaux terroristes alors que la France ne se sent pas à l'abri de leurs poussées djihadistes. Laborieusement, le CFCM a été mis en place grâce à un système combinant élection et désignation loin d'être consensuel. Minoritaire, la Grande Mosquée de Paris, contrôlée par l'Algérie, s'est vu confier la présidence sur décision des autorités politiques. Son recteur, Dalil Boubekeur, souvent vitupéré dans sa communauté d'origine, rassure la France. Docteur en médecine, marié à une Française et maniant avec un certain brio la langue de Molière, c'est l'archétype de l'étranger intégré. Partisan du dialogue des religions, il a l'estime des chrétiens et des juifs. Ce qui n'est pas le cas de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans et considérée donc comme radicale même si ses dirigeants arborent costume et cravate, à l'instar de son numéro un Fouad Allaoui, nommé secrétaire général du CFCM. La troisième composante est la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), inféodée au Maroc. Héritant des vice-présidences, elle souhaite un nombre accru et veut changer un de ses représentants Mohamed Béchari visiblement pas “suffisamment soumis”. Elle veut faire du CFCM un “Conseil français du culte marocain”, ironise un connaisseur du dossier. Après avoir été conforté par une décision de justice, Mohamed Béchari a refusé de se démettre. Et la FNMF, devenue majoritaire devant l'UOIF, au terme des dernières élections, s'est employée à paralyser le fonctionnement du CFCM. D'où les dissensions évoquées dans un communiqué cosigné hier avec la Mosquée de Paris. Les deux instances ont annoncé qu'elles suspendaient leur participation au CFCM dont les dirigeants ont été, a confié une source informée à Liberté, reçus au ministère de l'Intérieur par le directeur de cabinet de M. Sarkozy. Le CFCM a déjà connu une démission de Boubekeur qui a fini par se raviser. Allaoui avait suspendu un temps sa participation. Quant aux querelles, elles ne se comptent pas. Y. KENZY