“Je peux vous assurer qu'à 15h15, le 13 novembre 2004, le Béchar tenait bon malgré le mauvais temps. Ses moteurs étaient en marche et sa chaîne d'ancre bien tendue. Je rentrais de Marseille pour les fêtes de l'Aïd, et notre bateau, le Millénium, est passé à quelques dizaines de mètres du Béchar. J'avais ma VHS ouverte et j'ai entendu des commandants d'autres navires, demander assistance, mais pas celui du Béchar. Je vous assure aussi que la fumée sortait de la cheminée du Béchar”, c'est ce qu'a déclaré, hier, M. Boumbar, l'actuel DG de Cnan groupe. Délégué de la Cnan en Europe à l'époque des faits, malgré le mauvais temps, le bateau sur lequel il était a pu accoster au port et ce n'était qu'une fois chez lui, vers 17h30, qu'un cadre de la compagnie l'avait informé de la grave situation dans laquelle se trouvait le Béchar. “Il m'avait appelé au téléphone et m'avait informé que le navire était poussé par les vents vers la jetée. J'ai aussitôt rejoint la capitainerie où il y avait déjà les DG de la Cnan et du port”, dit-il encore. Concernant la situation administrative des deux bateaux, le Béchar et le Batna, qui n'avaient pas de certificats pour appareiller, il estime que la direction du transport maritime du ministère des Transports était au courant dès l'expiration de la validité des documents. “C'est cette direction qui délivre les certificats”, explique-t-il. Il rappelle que pour réparer les deux bateaux, la Cnan avait dégagé l'argent nécessaire à cette opération. “Comme les bateaux appartiennent à l'Etat algérien, il a fallu attendre l'autorisation de la commission de participation de l'Etat, présidée par le Chef du gouvernement, pour pouvoir les vendre.” Cette autorisation est accordée en janvier 2004. Il insiste aussi sur la décentralisation adoptée par la Cnan et qui permet à chaque direction de réagir de manière autonome. “Le DG d'une entreprise se préoccupe surtout des grandes lignes de la politique économique et des équilibres financiers de la société”, conclue-t-il. Pour sa part, le chef mécanicien, qui était sur le Béchar jusqu'au 10 novembre 2004, nie tout arrêt des machines et des groupes électrogènes. “Le moteur de propulsion était toujours en stand-bye et nous faisions des essais toutes les semaines. Certes, vu le nombre d'heures d'activité, le 3e groupe devait subir une visite, mais cela ne veut pas dire qu'il ne pouvait pas fonctionner. Quant à la fuite d'huile, elle touchait la pompe utilisée pour remonter l'ancre, mais elle pouvait fonctionner une heure avant de perdre tout le liquide et ce temps est suffisant pour une telle manœuvre”, affirme l'ex-chef mécanicien. Le commandant de bord du remorqueur estime qu'il y avait ce jour-là tout un concours de circonstances qui ont conduit au naufrage. “Je devais aller assister le Béchar vers 17h, mais au dernier moment, mon chef mécanicien était absent. J'ai demandé l'aide d'un autre mécanicien, mais il s'était blessé en sautant. Je me suis empressé de le ramener à terre pour qu'il soit conduit à l'hôpital. Par la suite, les secours étaient impossibles par voie maritime, il fallait des hélicoptères”, conclue-t-il. Pour l'ex-DG du port, il se devait d'exiger le départ des deux navires dès qu'ils ont terminé leurs opérations de déchargement. Très critique envers les cadres de la Cnan, l'ex-commandant de bord du Béchar ne trouvera aucune réponse, lorsque Me Bourayou lui fera la remarque suivante : “Expliquez-moi, s'il vous plaît, comment avez-vous écrit sur votre rapport envoyé à la commission d'enquête qu'il y avait des vagues de 3 mètres ce jour-là, alors que vous étiez à Béjaïa ?” Le témoin tente une réponse : “J'ai fait une estimation selon le bulletin météo du jour.” Ni les accusés ni les témoins qui se sont succédé à la barre n'arrivent à expliquer comment 16 marins ont péri à quelques mètres du port, même si tous s'accordent à dire que l'intervention des hélicoptères aurait sûrement évité une telle catastrophe. Le procès se poursuit et l'ont s'attend aujourd'hui aux réquisitoires du parquet. Saïd Ibrahim