Rahmouna, Fatiha, Nadia, Djamila et Mokhtaria avaient pris leur décision. Si les magistrats ne satisfaisaient pas leur demande de report, elles iraient se retirer du procès en leur qualité de représentantes de la partie civile. Depuis cinq ans, les trois premières sont les seules à avoir porté l'affaire devant la justice. Cependant, hormis une poignée de coupables, les autres auteurs de cette nuit d'horreur du 13 juillet 2001 baignent dans l'impunité. En janvier dernier, un procès en appel condamnait trois des violeurs d'El-Haïcha (ce bidonville de Hassi-Messaoud où les victimes, des femmes de ménage dans des bases locales d'hydrocarbures avaient fait l'objet d'une descente punitive) à des peines allant de 3 à 8 ans de détention. 20 autres inculpés en fuite avaient écopé de 20 ans de réclusion par contumace. La peine étant très lourde, ils ont convenu de se rendre un à un pour bénéficier de verdicts plus cléments. Trois ont été jugés ces derniers mois sans la présence de la partie civile. Selon des sources proches du greffe, les sentences prononcées à leur encontre vont de trois à six ans de prison. Hier, un quatrième était présent dans le box des accusés en compagnie de deux de ses codétenus, convoqués à la barre en tant que témoins. La salle d'audience du tribunal criminel de Biskra était clairsemée. Sur les bancs étaient assises les victimes et des représentantes du mouvement associatif féminin (le réseau Wassila, SOS Femmes en détresse, l'Afepec, Bnet Fathma n'Soumer et Femmes en Communication). Me Bensaïd, au nom de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), s'est contenté de répercuter la demande de la partie civile auprès du tribunal. Quatre de ses confrères, Mes Boutamine, Souidani, Nezzar et Ahmin (de la LADDH) qui devaient plaider pendant le procès ont préféré ranger leurs robes, une fois informés du désir de renvoi des victimes. L'avocat de la défense, pour qui le report n'était pas souhaité, a réclamé que son client bénéficie de la liberté provisoire. Sa doléance a été acceptée par les jurés au terme de délibérations très courtes. “Mais, il faut que tu te mettes dans la tête que tu n'as pas échappé à la justice et que tu dois être constamment à sa disposition”, a signifié le juge à l'accusé très sèchement. L'une d'elles, Djamila, l'a reconnu comme étant celui qui l'avait agressée. “Cela m'étonnerait qu'il récidive après l'épreuve qu'il a vécue en prison”, se rassure la jeune femme. Elle et Mokhtaria sont retournées à Hassi-Messaoud où elles travaillent à nouveau. Mais, sans la garantie de vivre en sécurité. Tandis que les négriers locaux font des ponctions sur leurs salaires, de jeunes désœuvrés les pourchassent. Certains font partie de cet escadron de la mort qui les avait assaillies ce terrible été. S. L.