Les relations algéro-américaines ont connu, ces derniers temps, une zone de turbulences qui s'est soldée par la convocation, avant-hier, du chargé d'affaires de l'ambassade américaine à Alger par le ministère des Affaires étrangères. En termes diplomatiques, un nuage a progressivement assombri le ciel des relations bilatérales, loin toutefois de la coopération et du partenariat algéro-américains en matière de lutte globale contre le terrorisme. Un orage a bien fini par éclater. Le moins que l'on puisse dire est que ce dernier est à la mesure du partenariat stratégique qui lie Alger et Washington. Différents facteurs sont intervenus pour faire monter en cadence la sauce d'un désaccord rendu plus que visible ces deux derniers jours. Pour autant, il ne s'agit pas d'un refroidissement patent, encore moins d'une rupture. Juste d'un désaccord né, précise-t-on dans le milieu diplomatique, d'une série de confusions. Son point d'orgue aura été la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade américaine par le MAE en l'absence du premier responsable de la représentation diplomatique. Alger a sévèrement réagi au dérapage américain relatif à l'émission de la note d'alerte annonçant, sur la base d'informations non confirmées, voire non fondées, d'éventuels attentats au centre-ville d'Alger pour la journée de samedi dernier. De prime abord, l'incrédulité a disputé la première place à l'indignation. Des mots très durs, voire d'une sévérité exemplaire peu coutumière dans les rapports entre les deux pays, ont été utilisés pour un rappel à l'ordre jugé néanmoins nécessaire. Un geste vu comme une déclaration de bonne intention. Dans le milieu diplomatique, l'on avance le refus d'Alger d'abriter une quelconque base étrangère, américaine ou autre, pour expliquer l'origine de cet incident. Ces derniers mois, un vent de spéculation avait eu lieu à ce sujet. D'autant que certains voyaient déjà le projet Africom, le commandement Afrique des forces américaines en plein désert algérien. Il aura fallu l'intervention de Mohamed Bedjaoui pour réaffirmer la position de l'Algérie à ce sujet. Le MAE avait expliqué ce refus par le principe de la souveraineté nationale. L'Algérie ne désirant pas une présence militaire étrangère sur son territoire. La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a, pour sa part, affirmé, le 12 avril, qu'il n'était pas dans les intentions des Etats-Unis d'ouvrir des bases au Maghreb, à la rigueur il serait probable, pour elle, de concevoir des installations conjointes. La chancellerie n'a pas manqué d'apporter ses clarifications suite à l'incident provoqué par sa note, affirmant qu'il n'y avait pas pour elle d'arrière-pensées. Le désaccord patent n'a pas trait seulement à une divergence de points de vue sur l'installation de bases américaines. Différents intérêts lient Algériens et Américains. Ces derniers n'ont pas tous un rapport avec le partenariat stratégique initié dans le cadre de la lutte globale contre le terrorisme. Ces intérêts pourraient eux aussi expliquer ce désaccord. Il s'agirait en premier des amendements apportés à la loi 05-07 relative aux hydrocarbures et au cadre réglementaire régissant le secteur. D'autant que la loi initiée par Chakib Khelil avait la faveur des compagnies pétrolières en général et américaines en particulier. Le changement stratégique opéré par le président de la République et appuyé par le principe de souveraineté nationale, ainsi que par la nécessité de préserver les richesses naturelles pour les générations futures a constitué une surprise, même si la loi adoptée n'avait jamais été appliquée, ses textes n'ayant pas été promulgués durant toute l'année qui a précédé sa modification. Là également, la pilule a été dure à avaler. Les Américains n'ont pas non plus apprécié que les compagnies et les entreprises battant leur pavillon échouent ou soient évincées des grands projets structurants. Notamment l'éviction de la compagnie Bechtel du projet colossal de l'autoroute Est-Ouest. Les Américains se sont même plaints officiellement à ce sujet. Les diplomates évoquent également l'arrivée d'une nouvelle équipe à la chancellerie américaine. Et la période d'ajustement bilatéral a été apparemment plus longue que prévue. Le nouvel ambassadeur, fraîchement débarqué de Bagdad, aura étonné plus d'un, surtout que son profil tranche, pour eux, avec celui de ses prédécesseurs. Contrairement à Richard Erdman ou encore à Cameron Hume, il n'aura pas encore su, avance-t-on, établir les passerelles nécessaires à un dialogue fructueux de part et d'autre. Et rendu encore plus nécessaire par les impératifs communs du partenariat stratégique auquel Alger et Washington tiennent. Si les raisons sont multiples pour expliquer la pomme de discorde de ces derniers jours, elles ne constituent pas, pour de nombreux observateurs, un obstacle aux objectifs tracés par les deux capitales. Samar Smati