L'expertise effectuée en début de mois sur les ouvrages d'un chantier en construction à Souk Ahras a permis de révéler l'existence sur le marché de cette ville d'une quantité de ciment de très mauvaise qualité. En effet, ces essais, qui avaient été mis en œuvre par un bureau d'études spécialisé, à la demande express du propriétaire du logement en chantier, ont été confirmés par un laboratoire étatique des travaux publics d'Annaba. Ils ont consisté en l'auscultation dynamique des structures verticales de la bâtisse, en des essais de compression sur des carottes prélevées sur des longrines et en l'analyse des agrégats utilisés pour la construction. Il a été ainsi prouvé que le ciment incorporé dans le béton armé ne répond même pas aux normes minimales de résistance. Les experts, alertés par la friabilité du matériau et des risques certains de dislocation de la structure entière, se sont prononcés unanimement pour la démolition pure et simple du bâti. Une décision à laquelle le malheureux propriétaire ne pouvait que se soumettre, alors que son chantier était avancé à 30% et qu'il y avait déjà investi près de 100 millions de centimes. Atterré par cette situation, ce dernier a multiplié les démarches auprès des pouvoirs publics (ministère de l'Habitat, wilaya et organismes de contrôle technique) pour l'ouverture d'une enquête et demander réparation du préjudice qui lui a été causé. “Le ciment que j'ai acheté en février dernier chez un revendeur agréé à Souk-Ahras porte le label ERCE Ma Labiod de Tébessa. J'en ai conservé une quantité encore cachetée chez moi pour appuyer ma demande d'enquête, si enquête il y aura effectivement”, confie ce citoyen, qui est lui-même spécialiste en génie civil et en bâtiment. “Je ne suis pas le seul à avoir constaté et fait les frais de la non-conformité de ce produit. Les responsables de l'antenne locale du CTC, auxquels je me suis adressé en premier, m'avaient d'emblée affirmé qu'ils étaient au courant de l'existence d'un ciment de qualité douteuse sur le marché, lorsque je les ai informés que le béton ne séchait pas à l'air libre au bout de 30 jours. Ils avaient même ajouté que de nombreux citoyens, notamment des entrepreneurs, leur en avaient fait part en mars dernier. J'ignore pourquoi ils n'ont pas réagi à une situation qui peut avoir des conséquences désastreuses pour les dizaines, voire les centaines de bâtiments et d'infrastructures socioéducatives, actuellement en chantier à Souk Ahras, et à travers toute la région. C'est scandaleux !” s'insurge notre interlocuteur. Les produits du complexe de l'Entreprise régionale des ciments de l'Est d'El Ma Labiod étant réputés pour leur qualité traditionnellement irréprochable, il est à craindre que tous les promoteurs publics ou privés des wilayas de Tébessa, de Souk Ahras, de Guelma et d'Annaba, qui s'y sont approvisionnés durant la période citée, aient rencontré le même problème. Aussitôt saisis par leur direction sur ce risque précisément, les techniciens de l'agence locale du CTC ont procédé à leur tour à l'expertise des éléments en béton des structures en chantier du centre universitaire de Souk Ahras. Les analyses effectuées sur le bâti en cours et sur les éprouvettes prélevées n'auraient révélé rien d'anormal, selon le responsable de l'organe de contrôle technique. Ce qui est sûr, c'est que des quantités de ce produit, que seule une enquête peut déterminer, ont été bel et bien écoulées par des revendeurs agréés de la localité de l'Ouenza, qui est le point de distribution le plus proche du complexe d'El Ma Labiod. Contacté par téléphone, le directeur technique au niveau de la DG de l'ERCE à Tébessa s'est empressé de nous répondre que n'étant pas saisi officiellement par une quelconque réclamation au sujet de la qualité du ciment incriminé, il ne pouvait faire de déclaration. M. Zemal, qui est le seul interlocuteur habilité à nous éclairer sur la question, en l'absence du directeur général, s'est limité à supposer qu'“il peut s'agir, le cas échéant, d'une quantité de ciment déclassé qui aurait pu être injectée frauduleusement et sous emballage portant leur label par on ne sait qui sur le marché…” Une réponse qui laisse entendre qu'il existerait dans la région une filière de contrefaçon de ce matériau, filière qui prendrait sa naissance au sein même de l'unité étatique de fabrication citée. A. Allia