Au fur et à mesure que les jours passent, les stratèges américano-britanniques redoutent de plus en plus la guerre des rues, qui allongera, inévitablement, le conflit armé. Les déclarations des officiels à ce sujet sont plus modérées. A Washington ou à Londres, le discours sur la guerre a radicalement changé. Après avoir clamé haut et fort avant le déclenchement des hostilités que l'invasion de l'Irak se fera en quelques jours seulement, les dirigeants politiques ainsi que les experts militaires des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne se rendent à l'évidence, ces derniers jours, qu'une guerre est rarement une expédition éclair. Soudain, ils se sont remémorés le Viêt-Nam, ce “petit” pays où GI's et autres marines se sont cassés les dents face à l'héroïque résistance de tout un peuple massé derrière les deux génies qu'étaient Hô Chi Minh et le général Nguyen Giap. Ils ont mis à genoux la puissante Amérique avec tout son arsenal militaire ultrasophistiqué. La guérilla a été l'arme fatale des Viet-namiens. En Irak, après environ deux semaines de combats, les observateurs s'accordent à dire que les choses n'évoluent pas dans le sens voulu par les coalisés. Pis, c'est un véritable constat d'échec qui est établi par les responsables militaires américains et britanniques. Des voix commencent à s'élever pour dénoncer cette entreprise guerrière inutile, vu les résultats positifs auxquels avaient aboutis les experts en désarmement des Nations unies au bout de trois mois seulement d'inspections en Irak. En dehors de la contestation, Bush et Blair parlent maintenant de guerre longue et difficile, face à un “ennemi” devenu subitement un adversaire de taille. Les faits sur le terrain, telles que les difficultés rencontrées par les soldats américano-britanniques pour prendre le contrôle de la petite ville portuaire d'Oum Qasr, dont la moitié se trouve au Koweït, au bout d'une dizaine de jours d'âpres combats, ont fait comprendre aux alliés que les choses étaient plus dures que prévu. Ceci pousse les officiels des deux pays alliés à faire preuve de beaucoup de retenue dans leurs déclarations, particulièrement du côté de Washington, où la stratégie de la communication est mise à rude épreuve. George Bush a du mal à faire passer ses messages au peuple américain. Il est obligé de livrer parfois des détails sur ce qui se passe en Irak pour être plus convaincant. Parfois, il est pris au dépourvu par les journalistes qui lui rappellent les déclarations de ses plus proches collaborateurs, assurant que la guerre ne serait que de courte durée. Bush retient difficilement sa colère, affirme son porte-parole, car il n'aurait jamais partagé ce point de vue, au contraire, il s'attendait à une guerre difficile. Idem en Grande-Bretagne, où Tony Blair est malmené par les opposants à l'invasion militaire de l'Irak. Acculé, le Premier ministre fait un constat d'échec après une douzaine de jours de combats, tout en évitant de froisser son “ami” Bush. L'heure est à la modération en attendant l'évolution de la situation. Les batailles de Bassorah, Karbala, Nadjaf et Nassiriya renseigneront sur la durée de la guerre et fixeront les Américains et les Britanniques sur ce qui les attend en Irak. K. A.