Les fans du club phare de l'antique Setifis ont investi, jeudi, les rues de la ville depuis les premières heures de la journée. Des drapeaux ont été accrochés aux façades des immeubles, aux poteaux et même aux arbres ; les Sétifiens ne voyaient que noir et blanc. Les permanences des partis politiques ont saisi cette occasion pour accrocher les posters de l'équipe et ceux des stars du club. La radio régionale n'émettait que les chansons confectionnées pour l'occasion. Les voitures étaient décorées de fanions et banderoles noir et blanc. Les klaxons ont retenti le long de la journée. Dans l'après-midi, les rues étaient presque désertes. Des commerçants ont installé des écrans pour permettre aux fans de l'équipe phare des Hauts-Plateaux, qui n'ont pas les moyens, de suivre la finale à la maison, à l'instar de la pâtisserie La Princière et du disquaire El Zaouche, au centre-ville. Le cirque El Floreligio, à Sétif depuis le 7 mai, a annulé ses spectacles prévus pour le week-end. À 18h exactement, les centres de vote ont été désertés et les agents mobilisés pour le rendez-vous électoral avaient tous un transistor dans la poche. “Malheureusement, je ne peux suivre le match à la télé mais j'ai ramené un appareil radio pour ne pas le rater”, dira l'un d'eux. Par ailleurs, dans le centre de dépouillement du vote dans la wilaya de Sétif, une ambiance bon enfant régnait et les agents chargés de l'opération ont eu la chance de suivre cette finale, la première dans l'histoire du football algérien, à l'écran. Les supporters, qui avaient les yeux braqués sur Amman (Jordanie) où les partenaires du renard Bourahli disputaient une importante partie de la Champions League arabe, avaient la peur au ventre, et ce n'est qu'à la 46e minute de la rencontre que la vie, qui s'est arrêtée du côté d'Aïn El Fouara, a commencé à reprendre. Les artères de la ville sont dès lors envahies par des centaines de Sétifiens durant la mi-temps. La cité a été investie et un brouhaha l'a réveillée. Des femmes poussaient des youyous, des klaxons et des cris fusaient de partout. Aïn El Fouara, le symbole de la ville, ne pouvait recevoir la marée humaine, aux anges après le but de Farid Touil. Cette ambiance n'a duré que quelques minutes. Après, c'est le silence qui régnait et la peur qui s'installait, un but est insuffisant et devant une équipe jordanienne coriace, la victoire n'est pas assurée. Les supporters, qui n'ont pu se déplacer à Amman, sont restés devant les écrans jusqu'à l'ultime minute du match. Le taux de participation aux élections législatives n'a pas beaucoup changé entre 6h et 8h du soir. Après le coup de sifflet final de l'arbitre égyptien, des centaines de milliers de Sétifiens ont investi de nouveau la rue. Les habitants d'El Eulma, Aïn Oulmène, Bougaâ et même des wilayas limitrophes ont été de la fête qui a duré jusqu'au matin. Les centaines de véhicules transportant les socios de l'ESS, aux couleurs noir et blanc avec l'emblème national, trouvaient des difficultés à se frayer un chemin dans cette ambiance de fête. Le chef de l'exécutif de la wilaya et son staff, qui étaient pris par l'opération des élections, ont pris quelques minutes de repos pour profiter de l'ambiance chaude de la rue sétifienne. Les Sétifiens ont, des heures durant, chanté, dansé et même pleuré de joie. Même la gent féminine était dans la rue jusqu'à une heure tardive pour exprimer sa joie après la victoire de l'ESS sur Al Fayçali de Jordanie. Des familles sillonnent les rues de l'antique Setifis, leurs enfants vêtus de tenues aux couleurs de l'Aigle noir. L'euphorie a gagné les petits et les vieux. Les jeunes et les moins jeunes scandaient : “Inch'Allah ya Rabi, Fouara championi.” Les supporters, qui sont contents que leur club ait remporté cette coupe, ne jurent que par le championnat et la Coupe d'Algérie. Ils ont décidé de faire la fête jusqu'à l'arrivée de leurs héros étreignant le neuvième trophée dans l'histoire du club, fondé en 1958. “Ce n'est que le début, nous avons eu la Coupe arabe et il nous reste la coupe et le championnat d'Algérie que nous décrocherons haut la main. Nous les méritons, nous nous sommes donné à fond pour réaliser ces résultats. La joie est pour tout le pays”, nous dira, avec conviction, Kamel, supporter de l'Entente. Les Sétifiens ont décidé d'accueillir l'équipe demain à l'aéroport du 8-Mai-45, certains sont partis les attendre à Alger. Les tifosi sétifiens installés en dehors de la wilaya et même à l'étranger téléphonaient à leurs proches pour s'informer et avoir une idée sur l'ambiance régnant dans la ville des héros qui ont honoré le foot algérien. Un fanatique des Noir et Blanc a convié, sur les ondes de la radio locale, tous les Sétifiens à un couscous à la cité Tandj, un des plus anciens quartiers populaires de Sétif. Dans la matinée d'hier, des milliers de Sétifiens se sont réunis devant les cafés maures pour commenter et analyser le match. “Cette victoire a mis fin à la peur de certains et à l'incertitude d'autres, surtout après le résultat du match aller qui donnait l'avantage aux coéquipiers de Kahlad Saâd”, nous a affirmé Mustapha, un supporter de l'ESS. Même les chômeurs ont trouvé leur panacée, réalisant de juteuses affaires, ils ont écoulé des chapeaux, des casquettes, des écharpes, des tenues sportives. Les vendeurs de cassettes ont eux aussi réalisé de bonnes affaires, une dizaine d'albums ont été édités à l'occasion. F. SENOUSSAOUI