Dilemme pour Washington : Bush a besoin de Musharraf mais il souhaite que le président pakistanais joue la carte de la démocratie. Le secrétaire d'Etat adjoint américain John Negroponte a exhorté, lors d'une conférence de presse à l'ambassade des Etats-Unis à Islamabad, au lendemain d'un entretien avec le président pakistanais, dont il a loué les efforts dans la lutte contre Al Qaïda et les talibans, Musharraf à lever l'état d'urgence, déclarant qu'il le jugeait incompatible avec la tenue d'élections libres d'ici début janvier et prévenant que la situation actuelle risquait de faire échouer le processus électoral. Negroponte a dit aussi avoir appelé le président pakistanais à relâcher les milliers de partisans de l'opposition arrêtés depuis l'état d'urgence et à tenir sa promesse d'abandonner ses fonctions de chef des armées. Musharraf a promis la tenue d'élections d'ici au 9 janvier et l'abandon de ses fonctions de chef des armées si la Cour suprême valide sa réélection le 6 octobre à la présidence. Mais il n'a encore rien dit de ses intentions concernant la durée de l'état d'urgence, le rétablissement de la Constitution, la libération des centaines d'avocats emprisonnés par les forces de l'ordre et la fin du silence imposé à certains médias. Cependant, tout en employant des termes sévères sur l'état d'urgence, Negroponte s'est refusé de se prononcer sur une éventuelle suspension de l'aide militaire au pays par Washington. L'aide versée par Bush à Musharraf s'élève à 10 milliards de dollars. En fait, Washington souhaite que le président pakistanais se réconcilie avec les forces politiques “modérées” du pays, une allusion apparente aux dissensions publiques entre Musharraf et la chef de file de l'opposition Benazir Bhutto. “Ce serait très positif que les deux parties prennent des mesures pour revenir au type de discussions de réconciliation qu'ils avaient eues précédemment”, a déclaré Negroponte, avertissant ses interlocuteurs, Musharraf, le numéro deux de l'armée, le patron des services de renseignement (ISI) et même Bhutto du risque d'un pourrissement de la situation et de la confrontation qui se dessine entre l'opposition et le pouvoir. Les Etats-Unis espèrent toujours que Musharraf et Mme Bhutto finiront par s'entendre pour partager le pouvoir après l'élection présidentielle du 6 octobre, qui a reconduit le chef de l'Etat. Mais, Mme Bhutto, qui a exclu de travailler avec le président, travaille pour le renforcement de sa position en essayant de fédérer derrière elle l'opposition, y compris les islamistes modérés. Son calcul est que l'armée fasse pression sur Musharraf ! Enfin, la Cour suprême du Pakistan, remaniée dans un sens plus favorable au pouvoir à la faveur de l'état d'urgence, a écarté hier la quasi-totalité des recours de l'opposition contre la réélection du président Pervez Musharraf le 6 octobre, le confortant sans surprise dans son bras de fer avec l'opposition et la communauté internationale. “Cinq recours ont tous été rejetés, il n'en reste qu'un, qui sera examiné jeudi”, a annoncé, Malik Mohammad Qayyum, procureur général du Pakistan. D. B.