Le palais attend dans le silence et les cent pas des policiers et gendarmes l'arrivée de l'hôte d'Alger. L'attente se fait longue. Trop longue. Dès le matin, des ouvriers chinois, balais et pelles à la main, occupent une partie de la montée menant au Palais de la culture d'Alger. Leur chantier, à côté, a sali la chaussée, cette chaussée qu'empruntera dans quelques heures le président français, Nicolas Sarkozy. La route est arrosée à grands jets d'eau. Les trottoirs repeints, les nids-de-poule colmatés avec du bitume tout frais. Indifférents à la circulation, aux passants, les Chinois continuent de laver la route. Signe de l'ouverture de l'Algérie et d'une coopération diversifiée. Le palais attend dans le silence et les cent pas des policiers et gendarmes l'arrivée de l'hôte d'Alger. L'attente se fait longue. Trop longue. L'invité s'est payé une virée du côté de Tipasa, un tour dans les ruines romaines, lieu d'inspiration pour Albert Camus. Instant pour redécouvrir cet écrivain des deux rives ; et l'histoire qui revient encore et encore. Albert, d'origine blidéenne, tout comme son ami qui l'a récemment ressuscité, Jean Daniel, a laissé son empreinte dans l'antique cité. Folklore, riche passé historique et business se sont rejoints et imposés dans cette visite matinale. Moments forts où la baie prolonge le regard vers un avenir commun, mais regard nostalgique également d'un passé commun. Camus est un trait d'union, un héritage partagé, symbole indélébile d'une mémoire trouble mais assumée comme les gravures des ruines témoignent de cette histoire qui n'est pas linéaire. Alors que les réminiscences et la nostalgie s'emparent de Tipasa, le Palais de la culture prolonge son attente, alors que les premiers mouvements s'annoncent avec l'arrivée des journalistes et photographes de la presse nationale. Sarkozy devait arriver à 11h. Quel est l'ordre du jour ? Personne n'est au courant. Et l'heure de son arrivée n'est pas confirmée. Les heures sont “lourdes” à passer. À mesure que le temps passe, l'impatience s'installe. On commente le discours de Sarkozy, la veille, la réaction de Zerhouni, on passe en revue les réactions et les commentaires de la presse nationale et française. Tout passe. Il faut occuper ce long vide de l'attente. On reparlera des Chinois, de leur chantier qui a sali la route. “Si la route est sale, c'est à cause de leur chantier. On ne va pas la laisser comme ça alors que le Président reçoit son homologue et ami français”, plaisanta un photographe visiblement usé par la position debout. Chacun s'ingénia à trouver de quoi faire oublier ce temps qu'on sent s'écouler comme un poids. Puis, dans un superbe soulagement, on est invités à rejoindre la salle qui abritera une des activités du programme. “Ils arrivent”, entend-on. “lls”, ce sont eux, l'armada de journalistes qui accompagnent Sarkozy. Passé le contrôle, flanqués de badges, les invités à couvrir sont séparés. Les journalistes d'un côté, dans une sorte de grande salle d'attente, les photographes dans la salle “officielle”. Ce n'est pas encore fini, mais là, au moins, on peut s'asseoir. Et reprennent les commentaires pour un moment avant que n'apparaissent les têtes connues d'El-Mouradia. Arrivent en même temps les journalistes français, au pas de course, ils s'engouffrent dans la salle. Tout le monde s'installe derrière le cordon, en face, à quelques mètres de la table où seront signés contrats et déclarations. Les officiels entrent ; d'un côté les Français conduits par Jean-Louis Borloo, de l'autre les Algériens conduits par Chakib Khelil. Les deux ministres passent en premier pour signer la convention-cadre de partenariat et le protocole administratif et financier. Ils ratifient la déclaration de coopération sur le développement et l'utilisation du nucléaire civil et un autre sur l'utilisation de l'énergie atomique à des fins civiles. Ce dernier porte, selon le porte-parole de l'Elysée, sur la recherche appliquée, le développement, la formation, la prospection et l'exploitation d'uranium. Passent alors les autres à tour de rôle, un accord sur la production cinématographique, un protocole d'accord entre l'ENTV et l'INA. Des accords commerciaux sont également signés. Prolongement du contrat d'approvisionnement en gaz entre la Sonatrach et Gaz de France. Un accord pour la réalisation d'un vapocraqueur d'éthane à Arzew entre Total et la Sonatrach, la centrale électrique de Targua (Aïn Témouchent) entre la Sonelgaz et Alstom et le dernier, entre l'Entreprise du métro d'Alger et la RATP portant sur l'exploitation et la maintenance de la première ligne de métro. Et puis, plus rien. Pas exactement, puisque la déclaration finale devant la presse, et éventuellement les questions, a été annulée. Tout y était pourtant prévu à la terrasse attenante à la salle des signatures. Seul le chargé de la communication de l'Elysée est disponible pour “parler en off”. Il ne dira pas grand-chose. L'absence du contrat DGF pour l'exploitation du gisement gazier du Touat. Il n'en sait rien. “Il faut demander à GDF”, se contente-t-il de répondre. La seule réponse sera sur le nucléaire civil sur lequel il s'étalera avec une pointe de satisfaction en disant que c'est la première fois que la France ratifie une telle convention avec un pays arabo-musulman, et on se disperse dans des gestes “fatigués”, loin des bruits et des grues du chantier chinois. Djilali B.