L'Algérie semble s'installer confortablement dans une économie de rente marquée par le phénomène de l'informel et caractérisée par une interminable léthargie. Le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), M. Réda Hamiani, déplore les lenteurs constatées dans la mise en œuvre des réformes économiques. “Ça fait quinze ans depuis que le processus des réformes a été lancé et ça n'en finit pas !” regrette-t-il. Le constat qu'il a établi est on ne peut mieux amer. “Nous avons l'impression que nous nous installons confortablement dans une économie de rente, marquée par le phénomène de l'informel et caractérisée par une interminable léthargie. Tout cela ne nous convient pas”, relève-t-il. Pour lui, il faut réaffirmer les grandes options que le pays a cru devoir prendre en adoptant un véritable système d'économie de marché. Réda Hamiani demande à ce que la visibilité contenue dans la stratégie industrielle définie par le ministère de l'Industrie soit mise à exécution rapidement. Il appelle aussi à plus de concertation pour que les mesures prises par l'Etat se traduisent sur le terrain. Le président du FCE reconnaît que des efforts ont été consentis dans la réforme du système bancaire, mais des procédures anciennes persistent toujours. L'étude du dossier d'octroi de crédit demeure encore très lent et contraignant. Il soulève l'indigence des salaires réservés aux banquiers et le fait de ne pas pouvoir dépénaliser l'acte de gestion les concernant. Il y a, selon lui, une espèce d'épée de Damoclès au-dessus de leur tête quand ils sont appelés à prendre un quelconque risque lié à l'octroi d'un prêt aux opérateurs économiques. Sur un autre registre, il regrette que le gouvernement puisse mettre en œuvre une politique aussi ambitieuse avec laquelle il compte reconfigurer les infrastructures et apporter un mieux-être à notre population, alors que les PME/PMI sont dans une situation précaire et tendue. Autrement dit, il souligne clairement que les entreprises algériennes ne profitent pas de ces énormes investissements. Concernant la suppression de la TVA, demandée par certains opérateurs, M. Hamiani estime que l'Exécutif peut supporter une telle décision. Car, aujourd'hui, c'est le consommateur qui subit cette taxe. Aux solutions d'urgence de type “pompiers”, il privilégie la politique de l'offre et en augmentant la production. “Sur une longue période, notre pays doit pouvoir produire ses pommes de terre, son blé et tous ces produits de base qui font actuellement défaut…”, affirme-t-il. Il faut pour cela, suggère-t-il, donner tous les moyens aux entreprises afin qu'elles puissent satisfaire cette hausse de la production. Par ailleurs, M. Hamiani pense que les entreprises étrangères qui exercent en Algérie doivent associer les sociétés locales dans les différents projets structurants pour qu'elles soient plus aguerries et bénéficient du savoir-faire et de la technologie. Toutefois, il salue l'élaboration de la loi obligeant les étrangers à recruter la main-d'œuvre algérienne. “Nous souhaitons que le libéralisme soit un peu revisité dans son concept. Il ne doit pas se résumer uniquement à l'ouverture du marché et le désengagement de l'Etat”, indique-t-il. En apparence, déclare-t-il, tous les pays du monde pratiquent le libéralisme, mais ils reviennent en réalité au patriotisme économique, à la défense des intérêts et la protection. Autant de notions qui ne sont pas antinomiques. “Il faudrait que les autorités soient plus fines dans l'application des réformes. Il faut des réformes de seconde génération qui associent, par exemple, la défiscalisation des salaires pour un pays qui souffre d'un fort taux de chômage, les aides à la création d'entreprises et à l'exportation…”, propose le président du FCE qui bannit tout retour à l'étatisme constaté, avoue-t-il, ces derniers temps. Il soulève également un autre fait : “Dans les autres pays, les Investissements directs étrangers (IDE) ne choisissent pas en toute liberté les secteurs. Les domaines-clés ne sont pas ouverts aux étrangers. Mieux, on leur impose même de se faire assister par un partenaire local.” Il approuve que des IDE soient annoncés çà et là en Algérie. Encore que, nuance-t-il, les chiffres de 10 milliards de dollars sont loin d'être une réalité. Car, les statistiques de la Banque d'Algérie pour 2007 ne donnent que 1,3 milliard de dollars. Badreddine KHRIS