La star incontestée était l'ex-président de la République, Chadli Bendjedid (1979-1992), qui paraissait le plus en forme parmi le “gotha” présent sur les lieux. Pendant plus de deux heures, il était sollicité de toutes parts et n'arrêtait pas de saluer les participants. Il y avait du beau monde hier matin au Centre de la mutuelle des travailleurs à Zéralda pour l'ouverture de la troisième assemblée générale de l'Association des ulémas musulmans algériens (AUMA). Une matinée qui avait tout l'air d'une rencontre messianique où on pouvait distinguer presque toutes les figures emblématiques qui ont gouverné le pays depuis les années… 70. La star incontestée était l'ex-président de la République, Chadli Bendjedid (1979-1992) qui paraissait le plus en forme parmi la “jet-set” présente sur les lieux. Pendant plus de deux heures, il était sollicité de toutes parts et n'arrêtait pas de saluer les participants. Sur la même table, on pouvait remarquer aux côtés de Chadli une autre figure du “pouvoir suprême”, Ali Kafi, l'ex-président du Haut Comité d'Etat (de juillet 1992 à juin 1994). Ce duo avait pour voisins le Premier ministre actuel, Abdelaziz Belkhadem, deux ex-Premiers ministres ; Mouloud Hamrouche (1989-1991) et Belaïd Abdesselam (1992-1993), un ex-ministre des Affaires étrangères (du temps de Chadli) Taleb Ibrahimi, l'actuel ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghoulamallah, et bien sûr le président de l'Association des ulémas, Abderahmane Chibane. Le seul qui paraissait détonner dans cette galerie au parfum de nostalgie était le bouillant maître Ali Yahia Abdennour qui était hier bien calme et même effacé. Toutefois, sa présence ne surprendra pas ceux qui ont suivi son parcours depuis plus de 40 ans. C'est qu'avant d'être connu comme président de la LADDH (dont il est président d'honneur depuis quelque mois), ou encore comme l'avocat des dirigeants de l'ex-FIS, l'auteur de La dignité humaine (son dernier ouvrage édité en 2007) était ministre de l'Agriculture de 1963 à 1965. On n'omettra pas de noter qu'hier matin, il paraissait plus “proche” de Taleb Ibrahimi que des autres (d'ailleurs, ils ont quitté la salle ensemble). Autour des tables, à côté d'autres personnes ayant eu des postes de responsabilité au sein du gouvernement (anciens et actuels) étaient présents l'ex-ministre de la Jeunesse et des Sports (du temps de Chadli) et membre influent du bureau politique du FLN, Kamel Bouchama, ou encore l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur, Mustapha Cherif. Autre personnage médiatique présent sur les lieux : Ahmed Benmohamed, cet islamiste pur et dur qui “sévit” sur les chaînes de télévision arabes (surtout Al-Jazzera) était assis dans un coin bien isolé des autres. Interpellé sur sa présence, il s'est contenter de faire cette déclaration : “Beaucoup pensent qu'avec mes critiques acerbes contre le pouvoir sur les plateaux de chaînes TV, je vis à l'étranger. Pas du tout ! J'habite à El-Djorf, Bab-Ezzouar.” Parmi cette pléthore de personnages, on ne pouvait s'empêcher de parler des deux entrées, pourtant loin d'être théâtrales mais qui ont été bien remarquées, des dernières “personnalités” à arriver dans la salle, en l'occurrence les deux protagonistes du dernier congrès du MSP, Abou Djerra Soltani et Abdelmadjid Menasra. Comme pour dire que la rivalité pour la présidence du MSP est déjà oubliée. Cette assemblée générale aura surtout valu par ce côté “people” ; en tout cas, plus que le discours d'ouverture de Abderahmane Chibane où il a été question de beaucoup de sujets. Il a ainsi harangué pêle-mêle “certains” chrétiens, les soufis, les zaouïas et même… les harragas. Concernant le sujet d'actualité de l'évangélisation sur lequel semble se spécialiser l'AUMA, M. Chibane parlera de “certaines catégories de chrétiens malhonnêtes qui, sous le couvert de la liberté du culte et avec de l'argent, veulent diviser notre société pour créer une partie qui combat nos valeurs”. Il dénoncera ainsi à certaines “chaînes de télévisions, presse et films, qui trompe notre jeunesse” tout en s'attaquant aux “chrétiens ou ceux qui ne comprennent pas l'islam dans sa vérité”. Le président de l'association rappellera à l'assistance ce qu'avait affirmé Ibn Badis “du temps du colonialisme” pour défendre l'Algérie : “Pas de religion pour l'Algérien si ce n'est l'Islam, pas de langue si ce n'est l'arabe, et l'Algérie aux Algériens.” Continuant sur sa lancée (même s'il n'a pas fait de parallèle), M. Chibane a évoqué la question identitaire en rappelant des “vérités” sur ce qu'il a nommé les “Arabes” et les “Amazighes”. Il a ainsi insisté sur le fait que “l'islam nous a uni depuis 14 siècles (…) et au bout, un élément a été créé, l'Algérien, dont la mère est l'Algérie et le père l'Islam”. Du haut de ses 91 ans, le président de l'AUMA énumérera aussi ce qu'il considère comme fléaux sociaux sévissant dans la société en mettant dans le même “paquet” l'alcool, les jeux illicites, la corruption et… les harragas. Un amalgame qu'il n'expliquera pas et sur lequel il ne s'étalera pas. Il épinglera aussi le soufisme “sauf le vrai qui se base sur le Livre saint et la sunna” et les zaouïas. Abderahmane Chibane annoncera d'ailleurs la signature, “il y a quelque jours de cela”, d'un accord avec une association islamique suédoise (“qui a plus de 20 000 membres et qui représente plus de 200 000 musulmans”, a-t-il précisé). Il affirmera, avec une fierté non dissimulée, la création d'un centre européen pour la défense du Prophète Mohamed (QSSL) et la construction d'une mosquée à Stockholm qui portera le nom d'Ibn Badis. Aussi, cette troisième assemblée générale (pour les 77 ans d'existence !) de l'Association des ulémas musulmans algériens devrait se terminer aujourd'hui avec au bout l'élection du bureau national, du conseil national et du président. Concernant ce dernier point, il semblerait que la réélection de Abderahmane Chibane n'est pas aussi sûre, vu son âge. On parle ainsi d'un candidat en force, en l'occurrence Mohamed El-Hadi Hosni, démissionnaire depuis deux ans et qui était d'ailleurs hier dans la salle. Salim KOUDIL