Bien que des questions d'ordre protocolaire sont invoquées de part et d'autre pour justifier le report du chef du gouvernement espagnol, le peu d'engouement affiché par Madrid à soutenir le Makhzen sur le Sahara occidental après l'alignement de Van Walsum sur les thèses marocaines, et l'influence grandissante de Paris sur Rabat, en seraient les véritables causes. Annoncée pour le début du mois courant, la visite de Jose Luis Rodriguez Zapatero au Maroc n'a pas eu lieu et serait reportée à juin. Ce report, pour le moins inattendu, est passé sous silence dans les deux capitales, comme s'il s'agissait d'un non-événement. Pourtant l'annonce de cette visite, la première à l'étranger du chef du gouvernement espagnol depuis sa réélection en mars dernier, avait suscité beaucoup d'espoir pour réchauffer les relations bilatérales, quelque peu refroidies par l'épisode du déplacement dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla du souverain ibérique en novembre 2007. Si certaines marocaines et espagnoles mettent ce report sur le compte du protocole, parce que Zapatero n'aurait pas respecté la procédure en faisant l'annonce de la visite alors que celle-ci devait être faite par le palais royal marocain, des observateurs estiment que les raisons sont ailleurs. Ainsi, le mécontentement serait partagé. Mohammed VI n'a guère apprécié l'absence de réaction officielle des autorités madrilènes, lesquelles auraient dû applaudir, selon le Makhzen, l'appréciation personnelle de l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies au Sahara occidental, lequel avait jugé non réaliste l'option de l'indépendance pour cette ancienne colonie espagnoles. L'on se rappelle que Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnol s'était abstenu de commenter l'alignement de Van Walsum sur les thèses marocaines. Seul l'ambassadeur espagnol à l'ONU avait qualifié de “positive” l'appréciation de Van Walsum, sans toutefois la relier avec la proposition d'autonomie marocaine. Pour le Maroc, Madrid, qui basait par le passé sa position sur le Sahara occidental sur la légalité internationale, aurait dû sauter sur l'occasion pour lui apporter son soutien total, car, selon elle, Peter Van Walsum “représente la légalité internationale”, surtout que Paris et Washington n'ont pas manqué de le faire. Des analystes justifient cette position par la colère du gouvernement espagnol par rapport à la politique de rapprochement du royaume marocain vis-à-vis de la France, laquelle se fait au détriment des relations bilatérales. Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, la coordination entre Paris et Madrid dans leur politique en direction du Maghreb et du Maroc, en particulier durant les quatre précédentes années, est tombée à l'eau d'où l'émergence d'une rivalité entre les deux capitales. Les récentes ventes d'armes françaises à Rabat, notamment la fameuse frégate hyper-sophistiquée pour 450 millions d'euros aura constitué la goutte qui a fait déborder le vase, car la marine marocaine est désormais vue comme un danger pour son homologue espagnoles, car ce ne sont pas les contentieux territoriaux qui manquent entre les deux pays. Les enclaves de Ceuta et Melilla en constituent le meilleur exemple. À cela vient s'ajouter l'initiative française de l'union pour la Méditerranée, qui n'est guère du goût de Madrid, pour la simple raison qu'elle marginalise totalement le processus de Barcelone. Ceci étant, une détérioration des rapports maroco-espagnoles n'est dans l'intérêt d'aucune des deux parties, ce qui exclut la possibilité de voir ce bras de fer feutré prendre d'autres proportions. K. ABDELKAMEL