Le parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie s'est réuni d'urgence vendredi après l'annulation, la veille, d'une révision constitutionnelle autorisant le port du voile dans les universités, un coup dur pour la formation menacée d'interdiction pour activités anti-laïques. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a annulé des programmes à Istanbul et est retourné à Ankara pour présider une session extraordinaire de la direction de son Parti de la justice et du développement (AKP), selon l'agence de presse Anatolie. M. Erdogan a en outre annulé un déplacement en Suisse afin d'assister au premier match de la Turquie contre le Portugal, hier, pour l'Euro-2008 de football. M. Erdogan n'a fait aucune déclaration à son arrivée au siège de son parti. Bülent Arinç, ex-président du Parlement et membre influent de l'AKP a, pour sa part, fustigé le verdict de la Cour constitutionnelle qui s'est prononcée jeudi contre le port du foulard islamique sur les campus universitaires, un amendement à la Constitution introduit par l'AKP, qu'elle a estimé contraire aux principes immuables de la loi fondamentale. “La Cour a fait mauvais usage des prérogatives qui lui sont attribuées”, a affirmé M. Arinç aux journalistes, évoquant un verdict “erroné et grave”. D'autres responsables de l'AKP ont affirmé jeudi que les juges avaient outrepassé leurs fonctions en se prononçant sur le fond de l'amendement plutôt que sur la procédure. Les observateurs pensent que ce jugement pourrait préfigurer une interdiction de l'AKP. En effet, l'amendement très controversé figure à la tête d'une liste dressée dans un long réquisitoire du procureur de la Cour constitutionnelle affirmant que l'AKP islamise la société turque et doit être dissous. La Cour “a confirmé que l'AKP est opposé à la laïcité”, a estimé un éditorialiste du quotidien libéral Vatan, appelant M. Erdogan à démissionner car il a créé dans son pays, musulman mais laïc, une profonde division entre conservateurs et laïcs. Hier, le président du Parlement, Koksal Toptan (AKP), a déclaré que la Turquie a besoin d'une révision de sa Constitution et de son système parlementaire, en ajoutant que la Cour constitutionnelle a outrepassé ses fonctions en annulant un amendement proposé par le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir. “Cette décision soulève des questions sur la séparation des pouvoirs. Elle suscite de profondes inquiétudes concernant le développement de notre démocratie”, a estimé M. Toptan. “Je pense que c'est l'occasion de débattre d'une nouvelle Constitution et d'un système bicaméral”, a-t-il ajouté. “Un tel système réduira le poids qui pèse sur la Cour constitutionnelle et lui permettra de travailler plus confortablement”, selon lui. R. I./Agences