La 8e édition de la Fête du bijou de Béni Yenni s'est ouverte jeudi dernier avec la participation d'environ 70 artisans bijoutiers et en présence des autorités locales et de nombreux citoyens venus des quatre coins de la Kabylie et même du territoire national. Bien que placée cette année, et pour la première fois, sous le haut patronage du président de la République, la fête du bijou de Béni Yenni, contrairement aux années précédentes, n'a pas été marquée par la présence d'un quelconque ministre comme promis dans les affiches de présentation de la fête. Seul le premier magistrat de la wilaya, Hocine Mazouz, accompagné d'un représentant du ministère de la PME-PMI et de l'Artisanat, ainsi que de quelques responsables locaux ont fait le déplacement, sous haute escorte faut-il le souligner, pour prendre part à la cérémonie d'ouverture. Une ouverture durant laquelle le président d'APC de Béni Yenni, Boumaza Mohand Arab, n'a pas manqué d'expliquer toutes les difficultés rencontrées lors de la préparation de cette fête dont l'organisation cette année a relevé, selon ses termes, “d'un véritable défi”. “Nous n'étions pas prêts à vrai dire”, a-t-il déclaré lors de son allocution d'ouverture, expliquant que “depuis notre élection, qui ne remonte pas à loin d'ailleurs, nous n'avions eu le temps que de nous occuper de la gestion quotidienne de notre commune. Le temps accordé à la préparation de cette 8e édition n'était pas suffisant, si on prend en compte toutes les difficultés et les contraintes auxquelles nous devions faire face, notamment en ce qui concerne la recherche des sponsors nécessaires qui est une tâche des plus ardues”. Sur cette question des sponsors justement, le président d'APC a profité de l'occasion pour lancer un appel à toutes les bonnes volontés afin de s'impliquer davantage à l'avenir pour, dira-t-il, “libérer cette fête de cette sollicitation contraignante et même humiliante”. Lors de sa laconique intervention, le représentant du ministère de la PME-PMI et de l'Artisanat a mis l'accent particulièrement sur les efforts fournis par le département qu'il représente pour la promotion de l'artisanat et l'aide apportée ou à apporter aux artisans. Mais il y a lieu de souligner que l'intervention de ce représentant de l'Etat n'a pas trop convaincu les artisans bijoutiers ne voyant dans les discours des autorités ministérielles, qui défilent chaque année en cette même date à Béni Yenni, que “des paroles en l'air” pour reprendre les termes d'un bijoutier interrogé sur la concrétisation des nombreuses mesures annoncées, en faveur des artisans en général et des bijoutiers de Béni Yenni en particulier, lors de la précédente édition par le ministre en charge du secteur. “C'est peut-être à cause des promesses faites l'année passée et qui n'ont pas été honorées que le ministre aurait préféré ne pas venir”, nous dira un des artisans ajoutant que “nous vivons toujours avec les même contraintes.” Un des bijoutiers occupant l'un des stands réservés à cette fête dira que “ni l'exonération d'impôt promise en faveur des bijoutiers, ni la question de la disponibilité de la matière première ne sont réglées”. “En 2006, le kg de la matière première coûtait 28 000 DA, en 2007, elle coûtait 34 000 DA et cette année, elle coûte 52 000 DA. Quant au corail, c'est une autre histoire : il est passé de 20 000 ou 30 000 DA à 70 000 DA pour le corail de qualité, et il n'est même pas disponible, alors la débrouillardise est érigée en règle dans notre recherche de ce matériaux indispensable à notre métier”, nous raconte un autre bijoutier de Béni Yenni, qui, pour expliquer toutes les difficultés rencontrées dans leur recherche du corail, a ironisé en ajoutant qu'“il est préférable qu'on t'arrête avec de la drogue qu'avec du corail qui continue pourtant et ce, en dépit de l'interdiction de sa pêche, de faire le bonheur des Tunisiens et des Italiens”. Dressant l'état des lieux du métier de la bijouterie de Béni Yenni, un des plus anciens artisans de cette localité, perchée sur une des hautes collines de la Kabylie, nous donne des chiffres très significatifs. “Nous étions environ 500 artisans dans les années 1980, et nous ne sommes aujourd'hui qu'une soixantaine à nous battre contre vents et marrées pour préserver ce métier qui, à l'allure où vont les choses, risque même de disparaître”. Les raisons ? Elles sont évidemment nombreuses. “Avec la hausse sans cesse des prix des matières premières, il devient de plus en plus d'écouler nos bijoux, on est parfois obligés de les brader avec leur prix de revient, ce qui ne cesse pas alors de pousser les artisans à abandonner ce métier devenu saisonnier et qui ne peut plus faire vivre une famille comme auparavant”, nous dira encore un autre artisan qui dit être bijoutier en été et ouvrier dans un autre domaine le reste de l'année. En somme, c'est une véritable sonnette d'alarme que tirent les bijoutiers de Béni Yenni dont la renommée a dépassé depuis belle lurette les frontières nationales, mais qui aujourd'hui assistent impuissants à l'extinction progressive de leur activité, plutôt de cet art de fabriquer de petites merveilles en argent. Samir LESLOUS