La direction régionale des Renseignements généraux de la police a été visée hier à 5h08 par un kamikaze à bord d'un fourgon piégé. C'est le scénario le plus fortement redouté depuis longtemps par la population, et quelque peu attendu eu égard à la situation sécuritaire qui prévaut depuis quelque temps dans la région, qui s'est produit hier à l'aube à Tizi Ouzou : un attentat kamikaze en plein centre-ville. Les habitants de la ville de Tizi Ouzou, et même d'ailleurs ceux des localités voisines, ont été réveillés, à la fois surpris et terrifiés, à 5h08 minutes précises, par une forte explosion qui s'est produite en plein centre-ville. La déflagration était d'une intensité qui ne laissait pas de place à la confusion ou au moindre doute. Ce n'était ni un tremblement de terre ni un orage d'été. C'était un attentat kamikaze qui a ciblé la Direction régionale des renseignements généraux de la police, située sur le boulevard Hadadou-Mohand-Arezki. Selon les témoignages recueillis sur les lieux, le kamikaze, qui, selon certaines informations non encore confirmées, aurait fait sa prière en compagnie d'autres terroristes dans une des mosquées de la ville de Tizi Ouzou, était à bord d'un fourgon de marque Renault Trafic immatriculé à Boumerdès et qui roulait normalement sur ce boulevard longeant le secteur militaire de Tizi ouzou avant de s'arrêter brusquement devant la porte principale du siège abritant la Direction des renseignements de la police, et à une dizaine de mètres de l'entrée de la caserne militaire. À peine le véhicule arrêté, le kamikaze aurait tenté de descendre pour s'enfuir, mais c'était trop tard. En en clin d'œil, la bombe, qui serait de 100 kg selon les appréciations des uns et plus de 200 kg selon d'autres, explosa et c'est tout le décor du quartier, et même de tout le centre-ville qui changea. C'est un visage complètement défiguré du quartier qui s'offre aux yeux. C'était l'horreur dans tous ses états. À notre arrivée, une vingtaine de minutes après l'explosion, les éléments de la Police scientifique s'attelaient à ramasser çà et là les pièces du fourgon qui a servi à l'attentat et aussi des petits morceaux de chair du kamikaze. Ses entrailles par-ci, ses dents par-là. “Certaines des pièces du fourgon ont été retrouvées de l'autre côté du quartier, soit à plus de 200 mètres”, nous dira un policier sur place. Mais il n'y avait pas que cela qui renseigne sur l'ampleur des dégâts. Alors que dans la plupart des artères de la ville on voyait des vitres brisées et des portes de magasins soufflés, la façade extérieure du siège de la police était complètement soufflée. Le souffle était tellement important qu'il a affecté même l'autre côté du commissariat. Devant l'entrée, un immense cratère rempli d'eau déversée par une conduite. Au commissariat, on ne peut voir que des véhicules calcinés et endommagés au point de ne plus reconnaître leurs marques. L'immeuble jouxtant le commissariat était en partie soufflé, également soufflé le mur donnant sur la structure de police. Des dégâts plus ou moins importants sont aussi visibles sur toute la chaîne d'immeubles qui s'en suivra. Devant chaque entrée d'immeuble des groupes de personnes de tout âge, mais surtout des femmes, des enfants, en pleurs pour la plupart, sont accoudés aux murs ou allongés par terre. Alors que les ambulances de la Protection civile “dévoraient” les rues à vive allure avec à l'intérieur des blessés, les éléments laissés sur place continuaient d'évacuer les immeubles et de prodiguer des soins à ceux qui ne nécessitaient pas d'être évacués et à ceux qui pouvaient attendre. L'explosion a fait, selon des informations obtenues auprès des services de sécurité, puis confirmées par le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, 25 blessés au total. Aux urgences du CHU Nédir-Mohamed, on apprend que 4 parmi les blessés sont des policiers alors que les 21 autres sont les habitants des immeubles avoisinant la structure de police ciblée. Aucun mort n'est enregistré ni parmi les civils ni parmi les policiers parmi lesquels des dégâts humains considérables auraient été sans doute enregistrés si le célibatorium n'avait pas été déménagé vers le nouvel hôtel de la police inauguré par Ali Tounsi lors de sa visite le 21 juillet dernier à Tizi ouzou. Seul donc “l'envoyé spécial” d'Al-Qaïda au Maghreb a péri dans cet attentat à travers lequel les acolytes de Droukdel ont encore voulu faire parler d'eux et réaffirmer non seulement leur existence, mais aussi leur force de frappe après toutes les pertes qu'ils ont enregistrées ces derniers mois. Il était 07h du matin, l'information a déjà fait le tour de toute la wilaya de Tizi Ouzou, et le lieu de l'attentat qui était occupé jusque-là par les seuls policiers, pompiers, quelques élus et les habitants du quartier sur lesquels les larmes se conjuguaient à la peur, commence à enregistrer une affluence de plus en plus importante. Zerhouni et tounsi sur les lieux Vers 8h, le ministre de l'Intérieur, Nouredine Yazid Zerhouni, accompagné du patron de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, arrive sur les lieux sous haute escorte. Les deux représentants de l'Etat feront tout de suite une tournée dans les immeubles pour constater les dégâts et rendre visite aux occupants des logements auxquels d'ailleurs, le ministre de l'Intérieur proposera, lors de son entretien avec eux, de les loger dans les écoles primaires en attendant la réhabilitation de leurs appartements. Après avoir rassuré les habitants, la délégation officielle pris le chemin des urgences du CHU Nédir-Mohamed qui grouillait déjà de monde. M. Zerhouni a rendu visite aux quatre policiers blessés dont l'un nécessite une intervention chirurgicale, puis des citoyens placés sous surveillance médicale. Le ministre de l'Intérieur repartira en laissant derrière lui une ville en proie à une psychose et, dans les têtes des citoyens de la région, une nouvelle image d'un terrorisme qui livre désormais une guerre au simple citoyen qui commençait à donner un signal fort sur sa volonté à collaborer aux côtés des services de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme qui a réussi à faire de cette région, autrefois havre de paix, la région la moins sûre du pays. C'est pour cela, justement, disent certains responsables en charge du volet sécuritaire dans la région, que c'est le siège des renseignements généraux qui a été ciblé. Les services de sécurité sont passés de la guerre des troupes et d'artillerie lourde à une guerre de renseignements, devenue le nerf de la lutte antiterroriste et dans laquelle le citoyen constitue un des maillons forts, et c'est pour cette raison que d'un côté, c'étaient les renseignements qui étaient ciblés, comme pour dire que même les renseignements ne viendront pas à bout du terrorisme, et d'un autre, les terroristes ne se sont pas souciés des dégâts à causer aux citoyens nous explique-t-on. Les explications et les analyses sont à vrai dire aussi multiples que différentes les une des autres, mais pour le citoyen de Tizi Ouzou une seule chose s'avère être sûre : c'est qu'il ne se sent plus protégé maintenant que le terrorisme peut frapper même au cœur de la ville. Samir Leslous