L'autorail devant relier Alger à Chlef, et dont le départ devait être donné solennellement hier par le ministre des Transports, a finalement été laissé au garage, “pour des raisons techniques” que seuls les responsables du secteur connaissent. Cet autorail, qui devait relier les deux villes en un peu plus de deux heures, fait partie d'un vaste programme de modernisation des chemins de fer en Algérie. Lequel programme a bénéficié d'une importante enveloppe budgétaire allouée par l'Etat. Certaines villes, à l'image de Constantine, Annaba, Sétif et Oran, ont déjà bénéficié de ces autorails qui ont un rôle régional indéniable, dans la mesure où ils sont censés absorber une bonne partie de la demande en transport des voyageurs. Ce plan de modernisation et d'ouverture de nouvelles liaisons ferroviaires pour désenclaver plusieurs régions du pays n'a pas, pour autant, donné les fruits escomptés, dans la mesure où les vieux réflexes sont indéboulonnables et que l'apport financier apporté par l'Etat n'a pas servi, pour l'instant, à booster l'activité ferroviaire et à lui permettre de se tailler une place prépondérante dans le transport des voyageurs et des marchandises. Il suffit de faire un tour dans les stations de transport des voyageurs par bus, ou les stations de taxis, de sillonner les routes nationales, pour constater que le train est, de loin, le parent pauvre de l'évolution de la société et qu'il demeure l'un des freins du développement économique. Lorsqu'on sait que la plupart des voies ferrées restent mal protégées, que les trains sont souvent “caillassés”, les câbles électriques, à peines posés, sont volés et que les services offerts aux clients voyageurs restent identiques aux années de vaches maigres, on se demande à quoi a servi tout l'argent injecté par l'Etat. Lorsque des familles sont obligées, en 2008, de voyager dans des conditions extrêmes, sur une distance de 450 kilomètres, entre Alger et Oran, alors que les wagons sont dotés de climatisation, il y a de quoi se demander à quoi ont servi les nouvelles acquisitions en devises fortes. La SNTF est une entreprise “budgétivore” et ne se sent, donc, pas obligée de faire dans la performance économique. On le voit bien, par la régression continue du trafic de marchandises, qui devrait, pourtant, connaître un développement significatif. La seule performance de la SNTF est la programmation de projets qui coûtent excessivement cher pour le contribuable, sans garantie de résultats. On se souvient de la fameuse gare multimodale de Dar El-Beïda, à proximité de l'aéroport international Houari-Boumediene. À peine les travaux de génie civil et de pose de rails achevés, que le projet a été abandonné, laissant des rails qui ne mènent à nulle part, exposés là, comme un témoin du génie des décideurs. Quelque temps plus tard, le temps que les gens oublient et que la pilule passe, la SNTF sort un nouveau projet aussi grandiose que le premier : une gare multimodale à Agha, avec une tour d'affaires et un centre de commerce. Sur le papier, c'est beau, mais sur le terrain serait-ce utile ? Serait-ce d'un quelconque apport pour le confort des voyageurs ? La question mérite d'être posée, sachant que les retards des trains sont légion, que la sécurité, à l'intérieur des trains, et dans son parcours, n'est pas toujours assurée, et que les gros investissements engagés par l'Etat dans ce secteur n'ont pas encore induit les effets attendus. Plus qu'une simple inauguration d'un autorail, les usagers algériens ont besoin de savoir quand prendront-ils le train à l'heure et dans des conditions humaines. Azzeddine Bensouiah