L'Ukraine, qui souhaitait une réelle perspective d'adhésion au sein de l'UE, se tient le ventre. Bruxelles a encore renvoyé le dossier à une date ultérieure. Kiev se demande alors à quelle sauce il sera mangé par son voisin russe d'autant que le poids de Moscou est autrement plus lourd qu'en Géorgie et que le président ukrainien est menacé par une crise au sein de sa majorité. Pour les Russes, l'Ukraine c'est un peu une partie d'eux-mêmes. Si la Géorgie est le pays natal de Staline, Kiev est le berceau du premier Etat russe. L'Ukraine a été intégrée pendant plus de trois siècles dans l'empire russe, et sa déclaration d'indépendance, en 1991, a été ressentie à Moscou comme une «amputation». La Révolution orange ukrainienne de l'hiver 2004-2005 n'a pas arrangé les choses. Et, avec ce pays qui comprend presque une moitié de russophones, la Russie peut être tentée de montrer qu'elle est maîtresse dans son ancien empire. Et l'UE ne peut pas grand-chose, sauf à traîner les négociations pour un nouvel accord de partenariat. Encore que les Européens sont divisés. La France est favorable à un rapprochement, d'autres sont très réticents à l'égard d'un éventuel élargissement supplémentaire et d'autres encore ne veulent pas provoquer les Russes. En outre, les Ukrainiens sont eux-mêmes très divisés et de nouveau en pleine crise institutionnelle. La guerre est ouverte entre le président Viktor Iouchtchenko et son Premier ministre, Ioulia Timochenko. Sans compter le parti des régions, qui penche vers Moscou. Cela dit, tous les ingrédients d'une crise sont présents. Notamment avec la Crimée. Elle n'a été rattachée à l'Ukraine qu'en 1954, un cadeau de Khrouchtchev. Les Russes estiment que c'est une terre historiquement russe. Au dernier recensement, en 2001, 58 % de la population de Crimée était russe. Moscou a les moyens d'agir, à travers des manœuvres souterraines, dans le monde politique ukrainien. Une autre façon, déguisée mais très efficace, d'intervenir. Moscou n'a pas caché son intention de faire tout pour faire capoter la promesse de l'UE de conclure avec Kiev un accord d'association en 2009. Le ministre russe Lavrov a fait le voyage dans la capitale ukrainienne pour un rappel à l'ordre assorti de la menace de fermer le robinet du pétrole et du gaz. L'Ukraine a déjà vécu pareille situation et en plein hiver. Cet accord, s'il venait à voir le jour, mettra en péril toute la politique engagée par Poutine durant ses deux mandats et qui a consisté à rebâtir la puissance de son pays comme au temps de l'Union soviétique. Il se traduira au travers d'un renforcement des relations politiques et économiques entre l'UE et l'Ukraine par une convergence plus grande de leurs politiques étrangères et de sécurité. Les bases de l'Otan seront aux portes de la Russie. D. B.