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Une commission d'enquête sur le terrain
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 09 - 2011

De par les pratiques appliquées par une minorité de ses cadres en fonction au niveau des postes frontaliers de contrôle, les douanes algériennes vivent une véritable crise de confiance.
Les affaires scabreuses au niveau de ces postes éclaboussent quotidiennement les effectifs de ce corps ayant pour mission la défense de notre économie nationale. C'est pourquoi la décision de la direction générale des douanes de dépêcher à Annaba une commission d'enquête relève d'une pertinente démarche. Elle a été bien accueillie par de nombreux agents et cadres de douanes intègres. Ils ont estimé opportun une opération de nettoyage et de remise à niveau des postes frontaliers. D'autant plus que dans l'affaire de contrebande de tabac, mise au jour le 2 juillet 2011 sur le Tarek Ibn Ziad par les éléments de la brigade ambulante des douanes et la police algérienne des frontières (PAF), est cité nommément l'inspecteur principal des douanes du port. Celui-ci cumule la responsabilité des deux postes frontaliers de contrôle, l'un au port, l'autre à l'aéroport Rabah-Bitat, distant d'une douzaine de kilomètres du premier. Mais faudrait-il encore éviter les interférences dans les prérogatives des membres de cette commission. A l'image de celles que l'on enregistre ces derniers jours et qui ont abouti à la menace d'un des syndicalistes douaniers de s'immoler devant le siège de sa direction. Cette menace a pris des contours insoupçonnés avec le mouvement de révolte d'officiers de douanes marginalisés depuis des années et le manque de respect caractérisé vis-à-vis du secrétaire général de l'Union de wilaya-UGTA, qui se trouve être un député. Il s'était déplacé au siège de la direction de wilaya pour s'inquiéter de l'immixtion du directeur de wilaya dans une affaire syndicale. Cette situation est à l'origine de l'affolement relevé à la direction régionale et celle de la wilaya à Annaba. C'est dire que les membres de cette commission ne pourront pas limiter leur mission à cette seule affaire de tabac. S'y greffent de nombreuses autres. Y sont impliqués les mêmes officiers des douanes chargés de superviser les opérations de contrôle et d'inspection aux frontières terrestres, aériennes et maritimes de la région d'Annaba. A l'exemple de celle des 3 millions d'euros découverts, il y a plusieurs mois, dans une R25. Le contrebandier avait réussi à prendre la fuite devant des douniers qui ne l'ont pas poursuivi. Il a laissé bien en vue, sur le siège du véhicule où avait pris place un policier autostoppeur, des liasses d'euros. C'est à croire que les contrebandiers ont une préférence pour Oum Teboul. C'est par ce poste frontalier terrestre, apparemment passoire, que deux individus avaient réussi à faire passer récemment 1,2 million d'euros. Ils étaient destinés au marché noir local de la devise. Dénoncés par des comparses déçus, les deux trafiquants ont été interpellés par les gendarmes dans la wilaya d'Oum El-Bouaghi. Pour peu qu'ils étendent leurs investigations, les enquêteurs dépêchés par la direction générale auront tout le loisir de relever que certains de leurs inspecteurs principaux sont souvent frappés de cécité, lorsqu'il s'agit de contrebande. L'exemple des produits pyrotechniques que l'on retrouve en abondance sur le marché national à la veille des fêtes et ce, malgré leur interdiction en est une preuve formelle. C'est aussi le cas pour les psychotropes. Notamment, le subitex, qui entre illégalement en d'importantes quantités et sans aucune difficulté par le port d'Annaba. C'est cette même voie que les contrebandiers utilisent avec la complicité des préposés au contrôle douanier pour importer tout aussi illégalement par conteneurs entiers des téléphones et ordinateurs portables. C'est aussi par ce poste frontalier que des centaines de tacots immatriculés dans l'une de nos wilayas prennent la mer à destination de la France. Ils reviennent quelques semaines après «retapés» à neuf. En fait, il s'agit d'un tout autre véhicule plus récent du même constructeur, dont le numéro de châssis a été maquillé par des mains expertes pour être admis à circuler en Algérie. Et si la pièce de rechange usagée ou de contrefaçon est déchargée au bon vouloir des contrebandiers sur le port d'Annaba, il y a celles que l'on exporte vers Marseille. C'est le cas des pièces de véhicules de différentes marques françaises, comme Peugeot qui ne sont plus fabriquées par les constructeurs. En Algérie, ces pièces sont raflées par les contrebandiers qui, toujours avec les mêmes complicités, les réexportent vers Marseille. Le montant de cette contrebande se chiffre à des dizaines de millions d'euros. Qui parmi nos immigrés et autres, en France et dans les pays de l'Union européenne, ne connaît pas les bijoux «El Guelmi». Il s'agit de lingots d'or en provenance de Marseille qui traversent illégalement le poste maritime d'Annaba. Ces lingots atterrissent dans 3 ateliers à Guelma, où ils sont transformés en bijoux avant d'être réexportés vers Marseille. Les enjeux financiers sont importants. C'est pourquoi des douaniers de différents grades et fonctions affirment qu'à l'exemple de plusieurs autres, cette commission d'enquête pourrait conclure son enquête à Annaba par un RAS. On argumente la précipitation des responsables locaux des douanes à vouloir transformer le dernier délit de contrebande des 800 cartouches de cigarettes (sévèrement sanctionné par les art.12 et 18 du Code des douanes) en une banale tentative de fraude. «D'accusateurs, les membres de la brigade ambulante seront placés dans l'œil du cyclone avant d'aller rejoindre la cohorte des dizaines de leurs collègues objets de mesures-représailles», confie un ancien douanier, victime lui-même de ce type d'injustice. La mobilité géographique et fonctionnelle n'est pas respectée dans le corps des douanes. A Annaba, ils sont des dizaines dont l'intégrité professionnelle reste à prouver à occuper un seul et même poste de responsabilité depuis des années. A l'image de l'inspecteur principal en cause qui assume le contrôle de deux postes frontières en même temps. De cet autre ayant qualité d'Inspecteur principal de contrôle des opérations commerciales (IPCOC) à Annaba ou de cet autre ayant à charge la fraude. Au même moment, une vingtaine d'inspecteurs principaux sont contraints et forcés à l'oisiveté. Ils ont été mis à la disposition de la direction régionale d'Annaba où, quotidiennement, ils se limitent à faire acte de présence. Les pratiques de certains douaniers véreux à nos frontières pourraient expliquer les graves accidents de la route dans notre pays. Ils ont pour cause des pièces de rechange usagées importées ou dont la traçabilité ne peut être effectuée lorsqu'elles sont neuves. Le contrebandier impliqué dans l'affaire de l'exportation illégale des cartouches de cigarettes du Tarek Ibn Ziad en est un spécialiste. Cette commission d'enquête ne sera-t-elle pas suivie de mesures-représailles, à l'encontre des douaniers dénonciateurs, notamment ceux de la brigade ambulante ? Cette question est reprise par un grand nombre de douaniers d'Annaba. L'arrivée des enquêteurs coïncidera avec le mouvement de révolte qui gagne le corps local des douanes. Il est de plus en plus visible chez les syndicalistes. Six d'entre eux nouvellement élus ont été destinataires d'un questionnaire par lequel, il leur est demandé d'expliquer le pourquoi de leur candidature au renouvellement de la section syndicale. En réponse, un des douaniers élus a mentionné sur le même questionnaire transmis en retour à sa hiérarchie : «Si le harcèlement dont je fais l'objet depuis des mois ne cesse pas, je m'immolerais dans les prochains jours devant le siège de la direction.» Ce douanier syndicaliste est à l'origine de la découverte, il y a quelques mois, d'un réseau de contrebande d'armes et de munitions. Sa présence dans le lot des syndicalistes nouvellement élus est très gênante pour certains responsables locaux des douanes. Ainsi, au moment où M. Bouabdallah, directeur général des douanes, parle d'étanchéité des frontières algériennes, ont surgi comme pour le contredire ces affaires. Particulièrement, au niveau des postes frontaliers terrestres maritimes et aériens de la région de l'extrême Est du pays. Pas un jour ne passe sans que l'on assiste à l'impatience de douaniers honnêtes. Ces derniers jours, l'emballement de la machine prend les responsables de cette direction régionale à la gorge. D'autant qu'un autre péril menace : une grève générale des douaniers à l'instigation de certains de leurs collègues de Annaba. Et lorsqu'un des douaniers arrive à menacer de s'immoler, c'est que l'on a atteint le point de non-retour dans les douanes algériennes.

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