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La solidarité entre l'Algérie et l'Europe au sein de l'espace euro-méditerranéen
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 03 - 2012

Le commissaire européen à l'élargissement et à la politique de voisinage Stefan Fule effectue une visite en Algérie depuis le 20 mars 2012 afin de poursuivre le dialogue sur l'état et les perspectives des relations entre l'Algérie et l'Union européenne, notamment la mise en œuvre de l'accord d'association, la coopération financière et sectorielle et l'ouverture des discussions exploratoires sur la politique européenne de voisinage rénovée. Il convient d'analyser sans passion l'accord pour une zone de libre-échange avec l'Europe signé le 1er septembre 2005 avant l'élargissement de l'Europe aux 27 en rappelant que l'Algérie a demandé un report du dégrèvement tarifaire de trois années, 2020 au lieu de 2017, et que l'Europe étudie toujours ces propositions.
Accélérer la réforme globale pour bénéficier des effets bénéfiques de l'accord Pourquoi ce blocage à l'investissement utile en Algérie ? Après analyse, je pense fermement que pour bénéficier des effets positifs de l'accord avec l'Europe que d'une éventuelle adhésion à l'OMC, sinon les effets pervers l'emporteront, qu'il faille faire d'abord le ménage au sein de l'économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir, les gagnants de demain n'étant pas ceux d'aujourd'hui, qui explique le dépérissement du tissu productif. Toute analyse opérationnelle devra relier l'avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulée par les tenants de l'import (13.000 mais en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80 % du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale minoritaire. Cela explique que l'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l'avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque que le cours s'élève. Cela explique également que, malgré des dévaluations successives, il a été impossible de dynamiser les exportations hors hydrocarbures (2 % du total), certes, 50 % dans le produit intérieur brut 2007/2011 mais sur ces 50 % plus de 80,% étant eux-mêmes tirés par la dépense publique via les hydrocarbures, ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées, souvent endettées vis-à-vis des banques publiques, une part négligeable, le blocage étant d'ordre systémique. La baisse de la salarisation depuis plus de deux décennies au profit des emplois rentes traduit la prédominance de l'économie rentière et la faiblesse de la dynamique de l'entreprise créatrice de valeur ajoutée. Les infrastructures n'étant qu'un moyen, l'expérience récente malheureuse de l'Espagne du fait de la crise actuelle, avec l'effritement de son économie (taux de chômage prévue de plus de 20 %) qui a misé sur ce segment doit être méditée attentivement par les autorités algériennes. La mise en place de mécanismes transparents dans la gestion des affaires, l'implication de l'ensemble des segments pour une société plus participative et citoyenne, la valorisation du savoir et une bonne gouvernance sont les conditions fondamentales pour éviter que la puissance publique soit utilisée à des fins d'enrichissement privés. Je pense qu'il faille cerner les causes fondamentales de la faiblesse pour ne pas dire la nullité de l'investissement hors hydrocarbures et ce, comme j'ai eu l'occasion par le passé de le relater au quotidien économique parisien les Echos à Radio Algérie Internationale et à Radio France Internationale. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait donc mette en place des mécanismes de régulation afin d‘attirer des investisseurs porteurs, évitant des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu'ils soient locaux ou étrangers. Les réformes économiques indispensables pour s'adapter tant à la mondialisation de l'économie dont l'espace euro-méditerranéen est son espace naturel qu'aux mutations internes impliquent l'instauration de l'économie de marché (démocratie économique) qui est inséparable de l'Etat de droit et de la démocratie sociale et politique. Car le cadre macro-économique relativement stabilisé est éphémère sans de profondes réformes structurelles qui ont commencé timidement comme en témoigne la faiblesse des exportations hors hydrocarbures (moins de deux milliards de dollar de 1970/2011). Les réformes de structures, dont la privatisation, qui ne sont certes pas une panacée mais devant encourager l'acte d'investissement créateur de valeur ajoutée, impliquent la refonte du système financier – douanier, fiscal – et de l'administration et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Comme il y a lieu de ne pas confondre restructuration industrielle, qui n'est qu'un élément de la restructuration globale de l'économie, objectif stratégique des réformes. Dépasser la situation actuelle caractérisée par l'entropie Le bilan de ces dernières années est mitigé, malgré les 480 milliards de dollars de dépenses publiques entre 2004 et 2013, l'Algérie étant une économie foncièrement rentière et en plein syndrome hollandais. Il faut tirer les leçons. Le consensus tant au niveau international que national est l'urgence d'objectifs politiques plus précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence et une accélération de ce processus complexe mais combien déterminant pour l'avenir du pays. L'expérience de bon nombre de pays en transition vers l'économie de marché peut fournir des enseignements pour l'Algérie. Je pense fermement que l'essence du blocage de l'investissement réside en Algérie dans le système bureaucratique que je qualifie de terrorisme bureaucratique, qui produit d'ailleurs la sphère informelle, fonctionnant dans un Etat de non-droit qui accapare 40 % de la masse monétaire en circulation renvoyant à l'urgence de la refonte de l'Etat. Le pouvoir bureaucratique sclérosant a ainsi trois conséquences nuisibles au développement en Algérie : une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays, l'élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique et la bureaucratie bâtie au nom de l'Etat des plans dont l'efficacité sinon l'imagination se révèle bien faible. Autres éléments de blocage de l'investissement, la sclérose du système financier lieu de distribution de la rente, la faiblesse d'un marché foncier libre et enfin un système socio-éducatif inadapté, les universités actuellement étant une usine à produire des chômeurs. Tout cela renvoie au manque de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique socio-économique qui freine non seulement les investisseurs étrangers mais également les investisseurs locaux sérieux qui peuvent accroître la valeur ajoutée interne et pas seulement se focaliser dans des investissements spéculatifs à court terme comme actuellement et qui ne contribuent pas à une croissance durable. Aussi, l'entrave principale au développement d'une bonne gouvernance en Algérie provient de l'entropie (désordre). Le défi majeur est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable car le rôle de l'intellectuel ou de tout cadre de l'Etat n'est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive pour l'Algérie elle-même en contrepartie d'une distribution de la rente, mais pour l'intellectuel d'émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité et pour le cadre, le travail bien fait grâce au management stratégique en vue d'une mobilisation du collectif et ce, pour faire avancer positivement la société. Tout cela renvoie à l'urgence d'une gouvernance rénovée impliquant la refonte de l'Etat. Au XXIe siècle, les batailles économiques se remportent grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. L'objectif stratégique de l'Algérie est de diversifier son économie qui n'a presque rien à exporter hormis les hydrocarbures, reflété par le taux modique d'exportation hors hydrocarbures. D'où l'urgence d'une politique de substitution à l'importation, la dynamisation de l'agriculture, du tourisme et des PMI/PME afin de densifier le tissu industriel algérien sans oublier les services qui ont un caractère de plus en plus marchand, mais en étant réaliste en tenant compte des avantages comparatifs mondiaux car nous sommes à l'ère de la mondialisation. D'où, d'ailleurs, l'importance de l'intégration du Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, pour un marché fiable au moment de la consolidation des grands ensembles. L'aspect sécuritaire s'étant nettement améliorée, l'Algérie doit créer des conditions favorables au développement en levant les contraintes d'environnement devant favoriser l'épanouissement de l'entreprise, seule source de création de richesses permanentes et son fondement, la valorisation du savoir renvoyant à l'urgence d'une gouvernance rénovée tenant compte d'une économie ouverte ne peuvent être celles d'un Etat jacobin (centralisation bureaucratique), impliquant une participation plus citoyenne au sein d'un Etat de droit. Car, avec ce retour au tout-Etat, l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce pour l'Algérie n'est pas pour demain. Le patriotisme économique ne saurait s'assimiler au tout-Etat lorsqu'on sait que l'assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au Trésor public plus de 50 milliards de dollars entre 1971 et 2010 sans résultats probants. Cependant, pour éviter les effets pervers du marché comme le montre la crise mondiale actuelle, il y a urgence d'un rôle plus accru de l'Etat régulateur, différence de taille pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, d'une économie de plus en plus globalisée. Aussi, je déplore qu'aucun débat public sérieux n'ait eu lieu sur le futur rôle de l'Etat en Algérie, débat indispensable pour éclairer la future politique économique et sociale. (Suite et Fin)

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