L'Afrique, ce monde parfait pour les entraîneurs étrangers, un monde qui leur permet de conforter leur savoir-faire. Un continent que les entraîneurs étrangers et même européens ne lâcheraient pas pour une poignée de blé. Bienvenue sur une terre où l'argent est facile. Dans une récente édition du Jeune Afrique JA, on notera des cas qui illustrent parfaitement tout l'intérêt accordé par ces techniciens de la balle ronde. Le premier cas nous vient de «Michel Dussuyer qui convoque sa mémoire et rassemble ses souvenirs africains», constate le reporter qui le fait parler. « L'Afrique, quand on y goûte, on décide vraiment de s'y investir ; ce n'est pas facile de la quitter », assure le sélectionneur de la Guinée. « Travailler, devait-il ajouter sur ce continent, c'est en accepter les réalités. Celui qui bosse en Afrique sait qu'il ne sera pas seulement entraîneur, il devra gérer beaucoup d'autres choses. C'est parfois usant, mais on vit aussi des expériences inoubliables.» Voilà une première phase qu'un entraîneur devrait maîtriser. Le journaliste nous entraîne dans une histoire qui démontre comment naissent les relations. «Dans les salons d'un confortable hôtel de Metz, ville de l'Est de la France où la Guinée est venue affronter le Cameroun pour un «match amical entre amis», Dussuyer qui a «six années d'Afrique au compteur» réparties entre la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Bénin fait partie des vingt-trois sélectionneurs étrangers (sur cinquante-cinq sélections) installés sur le continent, le plus ouvert du monde avec l'Asie. Dire qu'il fut un temps où cette terre africaine ne séduisait pas beaucoup de monde et ce, pour des rasions diverses. Ce n'est que vers les années 1960 que l'on commence à apprécier les richesses de ce continent. «Au début, la plupart venaient essentiellement de France ou d'autres ex-puissances coloniales comme le Portugal, la Belgique, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne. Pendant longtemps, la filière d'Europe de l'Est (ex-URSS et ex-Yougoslavie notamment) a été prisée, et pas seulement dans les pays proches idéologiquement du grand frère soviétique. «Mais à présent, ils viennent de partout, de Scandinavie, d'Espagne, d'Amérique du Sud et plus seulement du Brésil, et même des Etats-Unis», reconnaît Denis Lavagne, sélectionneur du Cameroun. Pourquoi ? «L'Afrique est attractive, c'est une terre de football, et elle est capable d'offrir des salaires proches de ceux pratiqués en Europe, parfois même équivalents, où des techniciens sont obligés de s'expatrier s'ils veulent travailler», explique-t-il. Mais pour savoir comment se faisait le recrutement, il faudrait écouter ce sélectionneur camerounais : «Quand je suis venu au Cameroun, en 1985, il y avait peu d'agents dans le monde du football, et je n'en avais pas. J'avais été recruté parce qu'Albert Batteux avait soufflé mon nom à la fédération camerounaise qui lui demandait conseil.» Claude Le Roy, aujourd'hui sélectionneur de la RD Congo, se souvient ainsi avoir été choisi par le bouche à oreille. Aujourd'hui, la prolifération d'agents facilite les transactions. Mais il existe d'autres possibilités pour des étrangers de travailler en Afrique : les candidatures spontanées ou la filière de l'Unecatef, le Syndicat des entraîneurs français, à l'origine de la création de Foot Expat. A.B. Pour Hervé Renard, champion d'Afrique avec la Zambie en février dernier, déclare : «J'ai entraîné des équipes de niveau amateur en France avant de travailler avec Claude Le Roy, notamment quand il était à la tête du Ghana. J'ai ensuite décidé de voler de mes propres ailes, en Zambie, en Angola, en Algérie (à l'USM Alger, ndlr) et de nouveau en Zambie. L'Afrique m'a permis de faire mes premiers pas à un haut niveau», explique le sélectionneur des Chipolopolo. Claude Le Roy, sélectionneur de la RD Congo pour la seconde fois, (Cameroun, Sénégal, Ghana) est convaincu de l'impérieuse nécessité de vivre dans le pays où il travaille. «Je n'imagine pas passer les trois quarts de mon temps en France. Quelqu'un qui n'arrive sur place qu'une semaine avant les matchs et repart tout de suite après aura du mal à durer. Car vivre dans le pays qui vous emploie, c'est non seulement une question de respect, mais aussi la meilleure façon de s'imprégner de sa culture, de sa mentalité et de connaître les gens. Il faut parcourir le pays pour voir des matchs, s'intéresser aux joueurs, à la formation des jeunes et des entraîneurs. Cela favorise votre adaptation». Dussuyer a déclaré : «Mes internationaux évoluent presque tous là-bas, il faut que j'aille les voir et en rechercher d'autres susceptibles d'intégrer la sélection. Je partage mon temps entre l'Europe et l'Afrique. Il est vrai que des sélectionneurs sont repartis pour laisser la place à d'autres. Les empreintes laissées ne sont pas toutes mauvaises, au contraire. Le fait d'accueillir un technicien étranger ne signifie pas victoire au bout du soulier de foot, mais cela signifie que ce pays manque de professionnels et que la venue d'un sélectionneur est synonyme de victoire. C'est là que se trompent les fédérations de foot africains qui pensent que cette «marque» étrangère est un moyen aussi de faire taire ceux qui portent des critiques acerbes en direction du collectif de gestionnaires. L'erreur réside dans ce tas d'hypothèses qui alimentent les médias. Le sélectionneur tunisien ne disait-il pas, repris à juste titre par JA : «Personnellement, cela ne me dérange absolument pas que des Européens ou des Sud-Américains viennent entraîner en Afrique, car une majorité d'entre eux a laissé une empreinte. D'autres non, je pense à Clémente au Cameroun, Coelho en Tunisie, Eriksson en Côte d'Ivoire et Lagerbäck au Nigeria. Mais en règle générale, ils bénéficient d'une très bonne formation, et c'est évidemment bénéfique. Si un étranger vient avec la volonté de s'adapter, d'apporter quelque chose, il a toutes les chances de réussir. Mais si c'est pour profiter du climat et jouer les touristes, il échouera.» Oui, mais ce que Trablesi oublie c'est de dire qu'entre le temps de la mise en place et l'échec, quantité de ballons a déjà percé les filets sans compter le salaire et les primes versés. D'ailleurs, «Dussuyer semble bien connaître le schéma de cette mécanique. Quand quelqu'un débarque dans un pays qu'il ne connaît pas en donnant des leçons à tout le monde, en se montrant arrogant et en donnant l'impression de n'être là que pour prendre son salaire, il fait du tort non seulement à l'Afrique, mais aussi à la profession» Et à Stephen Keshi de se faire «le porte-parole de ceux qui voient d'un mauvais œil l'arrivée sous les latitudes africaines des entraîneurs au CV rachitique. «Ils viennent en Afrique nous voler notre boulot», a dénoncé le sélectionneur du Nigeria dans L'Equipe Mag du 21 janvier dernier, visant les Français Manuel Amoros (sélectionneur du Bénin) et Didier Six (sélectionneur du Togo). «D'autres sont prêts à venir pour des salaires de misère», ajoute un entraîneur français sous le couvert de l'anonymat, sans doute inquiet de voir la manne menacée», écrit le rédacteur de JA. «Car l'Afrique est capable d'offrir des rémunérations très élevées. Ainsi, Sabri Lamouchi, ancien international français sans aucune expérience sur un banc de touche, perçoit 60 000 euros mensuels en Côte d'Ivoire. François Zahoui, son prédécesseur, émargeait à un peu moins de la moitié. La fédération ivoirienne, alors dirigée par Jacques Anouma, un proche de Laurent Gbagbo, avait cassé sa tirelire en 2010, offrant un traitement princier — 200 000 euros par mois plus les avantages — au Suédois Sven-Göran Eriksson (ex-sélectionneur du Mexique et de l'Angleterre et entraîneur à succès de l'IFK Göteborg, de Benfica et de la Lazio Rome) pour conduire les Eléphants lors de la Coupe du monde sud-africaine, en 2010. Les Ivoiriens ont été éliminés au premier tour...» Ce n'est pas terminé puisqu'à la même époque, son compatriote Lars Lagerbäck a touché 1 400 000 euros pour une «pige» de cinq mois au Nigeria, pour un résultat identique. Au Maroc, le salaire estimé du Belge Eric Gerets oscillait dans une fourchette de 180 000 à 260 000 euros par mois, selon les sources au moment de son arrivée en 2010. Aux dernières nouvelles, il serait finalement de 110 000 euros, primes et avantages non compris. Et lors de son passage sur le banc du Cameroun (juillet 2009-juin 2010), Paul Le Guen avait empoché 650 000 euros, une somme largement supérieure aux salaires en vigueur. «Pour les étrangers, cela tourne généralement autour de 25 000 euros en moyenne, hors primes et avantages», estime un technicien habitué du continent. «Mais on trouve aussi des salaires de 10 000 euros. Et les locaux touchent souvent beaucoup moins.» Alors pourquoi un tel investissement ? «Un étranger présente un avantage important pour celui qui l'emploie : il sera nettement moins influençable qu'un local», précise Robert Nouzaret, qui a «pigé» en Côte d'Ivoire, en Algérie, en Guinée et en RD Congo. «Il peut partir si on cherche à lui imposer des joueurs ou si on lui en refuse. Un local résiste moins aux pressions, car il sait qu'il devra continuer à travailler dans son pays. Pour garder sa place, il faut parfois faire des concessions...» Ce dossier proposé n'est qu'une cuillerée retirée de l'océan ; nombreux sont ceux qui viennent s'entraîner et se faire une attestation, rare sont ceux qui réussissent sur nos terres et nombreux sont ceux qui considèrent que l'Afrique est une opportunité à ne pas rater. L'histoire ne fait que commencer.