A l'exemple d'Hannah Arendt qui écrivait, au début des années 1950, que l'impérialisme devait être compris : «comme la première phase de la domination politique de la bourgeoisie, et qu'elle naquit lorsque la classe dirigeante détentrice des instruments de production capitaliste s'insurgea contre les limitations nationalistes imposées à son expansion économique ». Pour la philosophe allemande, la notion d'expansion illimitée était désormais seule capable de répondre à l'espérance d'une accumulation illimitée de capital. « L'argent pouvait engendrer l'argent parce que le pouvoir, au total mépris de toute loi – économique aussi bien que morale – pouvait s'approprier la richesse ». La richesse devenue un moyen illimité de s'enrichir, se substituant de la sorte à l'action politique. Ainsi constituée, la puissance impériale pouvait «balayer toutes les protections politiques qui accompagnaient les autres peuples et englober la terre entière dans sa tyrannie». De même, Alain Soral constate aujourd'hui une évolution de même nature : « L'oligarchie mondialiste, pas plus que le principe bancaire dont elle tire sa dynamique et son pouvoir, n'a de territoire ou de lieu. Cette aristocratie nomade et sans noblesse se niche partout où il y a de la richesse à capter et du profit à faire ». Encore mieux dit ailleurs : «La banque, intrinsèquement fondée sur l'abstraction du chiffre au détriment de l'humain, libérée de tout frein politique et social, et protégée de surcroît par son invisibilité politique et médiatique devenant progressivement – compte tenu de sa logique même – pure prédation et pure violence ». Enfin revenons à Hannah Arendt, qui souligne qu'un pouvoir « ne peut garantir le statu quo, seulement en gagnant plus de... pouvoir. C'est uniquement en étendant constamment son autorité par le biais du processus d'accumulation du pouvoir qu'elle peut demeurer stable ». Pour légitimer leur ambition impériale, les Américains donnent l'illusion qu'ils sont le centre du monde par la protection qu'ils lui offrent en attaquant des adversaires faibles présentés comme « l'axe du mal ». Emmanuel Todd écrit à ce propos, dans son livre Après l'Empire, que «pour maintenir sa centralité financière, l'Amérique se bat, mettant en scène son activité guerrière symbolique au cœur de l'Eurasie, tentant ainsi d'oublier et de faire oublier sa faiblesse industrielle, ses besoins d'argent frais, son caractère prédateur». Ajoutons que cette soif de profit coïncide opportunément avec un pillage systématique des terres impérialisées : c'est l'obsession pétrolière du complexe militaro-industriel américain qui dicte toute la stratégie prétorienne au Proche-Orient, et ce, depuis plus de 50 ans, et aujourd'hui en Libye. La survie et le développement de ces sociétés industrielles dépendent de leur accès à cette région, dont l'Irak est le pays d'intersection. Ainsi, les Etats-Unis, insiste le célèbre démographe français, « mettent sous embargo des pays incapables de se défendre et bombardent des armées insignifiantes. Ils conçoivent et produisent des armements de plus en plus sophistiqués et appliquent en pratique à des populations civiles désarmées, des bombardements lourds dignes de la Seconde Guerre mondiale ». (suite et fin)