Pour son dernier album solo baptisé Alwâne, la chanteuse d'origine algérienne Djazia Satour est parvenue à une synthèse artistique de ses précédents projets, que ce soit lorsqu'elle faisait entendre sa voix dans l'univers trip hop du groupe Mig ou sur son mini-album très acoustique Klami. Rencontre. LNR : De quelle façon avez-vous abordé ce premier album sous votre nom, sur le plan artistique ? Djazia Satour : Ça a été nouveau pour moi de partir sur ce projet solo et en même temps, c'était une évidence. Après la fin de l'histoire avec le groupe Mig, il a fallu passer par une phase de gestation, de recherche, de direction. Qu'est-ce que j'avais envie de faire ? Le travail en groupe est très différent du travail seul – même si j'ai toujours eu besoin d'avis de mes collaborateurs. D'un seul coup, on se trouve propulsé sur son propre projet, on en est maître. C'est la liberté, mais il faut choisir ce qu'on veut faire, ce qui peut nous définir. Cette phase de l'après-Mig a été l'occasion de créer une dynamique personnelle, une énergie et puis une recherche artistique. Une période d'affirmation de soi, d'un esprit volontaire qui va de l'avant et a envie de découvrir l'inconnu. S'il y a un titre qui s'appelle Unknown, ce n'est pas pour rien ! Comment votre chemin a-t-il croisé celui du duo de réalisateurs avec qui vous avez collaboré étroitement sur ce disque ? Sur Klami, j'avais supervisé toute la production du disque jusqu'à sa sortie, puisque j'en étais productrice. Pour ce nouvel album, je souhaitais prendre du recul par rapport aux chansons. Avoir un retour, les voir différemment, sous une autre lumière. Grâce au manager d'Oxmo Puccino, on m'a présenté Julien Chirol et Pierre-Luc Jamain, qui ont un studio à Montreuil. Le courant est passé immédiatement. J'avais déjà rencontré plusieurs réalisateurs, mais c'était la première fois que j'avais l'impression qu'on était sur la même longueur d'onde. Ce sont des musiciens, qui viennent de la scène. Ils ont beaucoup tourné, d'abord avec Sergent Garcia puis avec plein d'artistes comme Micky Green, Oxmo... Je n'avais pas affaire à des rats de studio. Je sentais qu'il y avait vraiment une écoute, qu'ils allaient se mettre au service de ces chansons, sans chercher à les dénaturer. Mais au-delà du courant qui passait entre vous, quelles affinités artistiques aviez-vous ? Quand nous nous sommes vus pour la seconde fois, nous avons passé trois heures ensemble. Ils m'ont fait écouter plein de musiques qu'ils avaient faites. Ils travaillent sur des couleurs très différentes. Ce ne sont pas des réalisateurs qui se sont enfermés dans un style esthétique particulier. J'ai aussi fait sentir ce que je voulais entendre, mes références musicales, les artistes que j'ai écoutés. Et à partir du moment où on a la place de s'exprimer sans avoir affaire à un réalisateur qui dit de le laisser s'occuper des chansons, c'est rassurant. Que leur avez-vous dit que vous vouliez entendre ? J'avais envie de belles guitares électriques, qui sonnent comme sur certains disques de Faith. J'avais envie d'entendre un son très organique, mais aussi qu'on retrouve un son live. Une sorte de bricolage sonore : essayer de créer des sons qui ne soient pas forcément des sons d'instruments. Que le résultat ne soit pas trop propre, pas aseptisé. Je ne dis pas que c'est ce qu'on a fait dans le disque, parce qu'il s'agit toujours d'un mélange de couleurs, mais j'ai donné des directions, et les chansons ont aussi parlé d'elles-mêmes. Je suis très attachée à deux choses en fait : préserver la mélodie de la chanson, qui la plupart du temps ne bouge pas – c'est ce qui me prend le plus de temps – et l'aspect rythmique, qui est pour moi essentiel. Même si une chanson est en voix-guitare, il faut qu'il y ait une intention rythmique très forte. N'est-ce pas paradoxal de choisir d'évoluer désormais en solo, mais de confier à d'autres les clés de votre musique ? Non, parce que j'avais conscience que mes chansons avaient une couleur déjà très avancée. Je n'ai pas apporté des titres en voix-guitare sans direction artistique. Tout était assez défini pour chaque titre. Ce dont j'avais besoin, c'était simplement d'avoir une réalisation sur le son, sur les choix. Mais il y aussi des chansons sur lesquelles, j'ai été très surprise des propositions. C'est aussi le but. Il faut que le réalisateur à la fois respecte l'esprit du répertoire, et qu'il apporte quelque chose de supplémentaire. Cet équilibre-là est très subtil. Sur la reprise d'Illinois Blues de Skip James, je joue avec un accompagnement qui rappelle le blues noir américain, et les réalisateurs ont eu l'idée d'apporter des samples de vinyles, qui rendent le morceau plus moderne. Pourquoi avoir repris certaines chansons qui figuraient sur le mini-album Klami ? J'avais envie de les revisiter. Pour Klami, que la chanson soit rythmiquement plus cohérente du début à la fin. Sur le CD six titres, on avait une partie reggae et une autre plus enlevée sur les refrains. On l'a refait, avec ce côté bricolage que j'aime beaucoup parce qu'il y a plein de samples mais aussi cette rythmique one drop – sans batterie – sur tout le morceau. Il n'y a plus de cassure. Pour les autres titres, j'avais envie qu'ils soient travaillés d'une manière plus typée. On a enregistré des cordes pour Unknown auxquelles on a donné un son très particulier, ancien, un peu soul. Sur Voodoo Night, il y a des guitares très profondes. Tout ça, je l'avais entamé sur le disque Klami mais je voulais appuyer, insister dessus.