L'Afghanistan s'est doté lundi d'un gouvernement d'union nationale, plus de trois mois après l'investiture du président Ashraf Ghani, alors qu'une impasse politique menaçait de miner la relance économique et de nourrir l'insurrection islamiste. Le secrétaire général de M. Ghani, Abdul Salam Rahimi, a lu les noms de 25 ministres, dont 3 femmes, qui vont former le nouveau cabinet, après plusieurs semaines de négociations entre les deux anciens rivaux de la présidentielle de 2014, le Président et son chef de l'exécutif Abdullah Abdullah. Le résultat de ce premier gouvernement d'union nationale est un subtil mélange de noms issus des deux camps et des principales ethnies du pays, comme les Tadjiks et le Pachtounes. M. Abdullah ayant rallié les premiers et M. Ghani les seconds. Parmi les nouveaux ministres figure Salahuddin Rabbani, un Tadjik proche de M. Abdullah et fils d'un ancien président et chef du Haut conseil pour la paix, organe chargé par Kaboul d'organiser des pourparlers avec les talibans, qui hérite du poste de chef de la diplomatie afghane. Sher Mohammad Karimi, un Pachtoune proche de M. Ghani, hérite du porte-feuille clé de la Défense, alors que les troupes de combat de l'Otan viennent de se retirer du champ de bataille. Les forces de sécurité afghanes affrontent désormais, seules, sur le terrain l'insurrection des talibans. Mais face à la sécurité encore fragile et les attaques toujours vives des talibans, quelque 17 000 soldats étrangers, dont 12 500 de l'Otan, seront présents en 2015 sur le sol afghan. C'est également un Pachtoune, mais cette fois-ci proche de M. Abdullah, Noorul Haq Ulumi, qui obtient le porte-feuille non moins crucial de l'Intérieur. Un autre ministre clé, celui des Finances, Ghulam Jailani Popal, est un Pachtoune proche de M. Ghani. Visages nouveaux Par ailleurs, la nouvelle ministre des Affaires des femmes, Najeeba Ayoubi, est une journaliste tadjike et activiste des droits de l'Homme. Les ministres doivent encore être approuvés par la chambre basse du Parlement afghan. Outre les 25 ministres, le chef des services secret (NDS) et le gouverneur de la Banque centrale, ont également été désignés. Ancien cadre de la Banque mondiale, Ashraf Ghani avait été investi le 29 septembre après plusieurs semaines de blocage politique autour du deuxième tour de l'élection présidentielle du 14 juin, entachée de fraudes. Le bras de fer entre M. Ghani et son rival Abdullah Abdullah avait provoqué de dangereuses tensions entre les partisans des deux camps, menaçant de raviver les antagonismes de la guerre civile afghane entre différentes factions et ethnies (1992-1994). Les Pachtounes soutenaient M. Ghani, tandis que les Tadjiks et les Hazaras s'étaient rangés derrière M. Abdullah. Après de longues négociations sous la houlette de l'ONU et de la diplomatie américaine, M. Ghani, avait finalement été désigné vainqueur, et s'était engagé à former un gouvernement d'union nationale avec son rival. «Le nouveau cabinet montre que le président afghan et le chef de l'exécutif ont travaillé dur pour faire les bons choix. Mais on peut difficilement dire que toutes les attentes concernant un très bon cabinet, spécialisé, ont été remplies», a analysé Haroon Mir, un expert politique afghan. Selon lui, le nouveau cabinet compte des «visages nouveaux et peut-être moins expérimentés», qui devront faire leurs preuves. Sans mentionner de noms, il a ajouté que certains étaient là «car ils ont soutenu activement l'un des deux camps pendant l'élection». M. Mir a toutefois jugé «prometteuses» les nominations des ministres du secteur de la sécurité. Dans un communiqué, l'ambassade des Etats-Unis a salué l'annonce du nouveau gouvernement lundi après-midi. «Les Etats-Unis se réjouissent de continuer à coopérer étroitement avec le gouvernement de l'Afghanistan, dans notre recherche commune de la sécurité, la paix et de la prospérité pour les Afghans».