Du 1er au 4 décembre 2015, Relizane a rendu hommage à M'hamed Issiakhem, l'un des plus brillants peintres que compte l'Algérie, dont la jeunesse a été imprégnée par cette ville qui l'a vu grandir et a marqué le roman qu'a été sa vie. Cette initiative mémorielle a été initiée par la Direction de la culture de cette cité et le Fonds Issiakhem, elle a été patronnée par le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi et le wali de Relizane. Ces journées commémoratives ont donné lieu à un timing riche et varié qui a répondu au programme ci-après: -Première journée (1er décembre 2015): arrivée des participants, artistes, étudiants et invités. Rencontre des écoles des Beaux -arts d'Alger, Oran, Mostaganem, Sidi Bel-Abbès, Tizi Ouzou et Tipasa en présence de l'ensemble des participants (autorités, artistes, invités et organisateurs....) -Deuxième journée (5 décembre 2015): -Ouverture officielle et vernissage de l'exposition de la soixantaine d'œuvres constituant la collection du Fonds Issiakhem (dons des artistes les plus représentatifs offerts gracieusement à l'issue des précédentes commémorations), par M. le ministre de la Culture Mihoubi, le wali de Relizane et les autorités locales. Prise de parole dans la salle de conférence de la magnifique maison de la culture par M. le ministre de la Culture, le wali de Relizane et la commissaire générale de l'événement, madame Kabla Djamila Issiakhem. L'après-midi a été consacrée au visionnage de diapositives et de films biographiques suivi de débats et de lectures de poésie. -Troisième journée: visite guidée de lieux emblématiques qui ont jalonné le vie de l'artiste: l'école primaire (ex-indigène du temps de la colonisation), les bains maures (hammams), les ruelles, la medersa, la gare. A l'école primaire, travail des étudiants sur chevalet avec les enfants et remise de distinctions (1er Prix Issiakhem entre autres). L'après-midi a été consacrée à des conférences-débats avec un exposé socio-historique sur la ville de Relizane de Abdellah Righi, une table ronde autour de l'œuvre d'Issiakhem par le professeur Benamar Mediene, ami de l'artiste et de son alter ego Kateb Yacine, ainsi qu'un exposé sur la caricature et le dessin de presse magistralement mené par Fethy Bourayou. Quatrième journée : elle a été consacrée à la présentation des travaux artistiques des étudiants des écoles des Beaux-arts à la maison de la culture. Cette commémoration a été orchestrée, non sans vaillance, par madame Kabla Djamila Issiakhem et le team qu'elle a su fédérer autour d'un travail où la générosité et la pertinence ont été optimisées dans une dynamique de bon aloi. La richesse du programme illustre la somme des efforts consentis à tous les niveaux pour nicher cette commémoration sur les adrets d'un paysage culturel qui n'en finit pas de s'affirmer. Cet événement n'aurait jamais eu la dimension qui a été la sienne sans le précieux engagement des autorités nationales et locales et l'on ne peut décemment pas occulter le concours précieux et décisif de l'Onda ainsi que le généreux sponsoring de la société Djezzy. Mais peut -on décemment assister à un hommage aussi nécessaire et pertinent rendu à un immense artiste sans succomber à la tentation d'observer que ce devoir de mémoire vient à bon escient pour interpeler qui de droit sur le cas de ce peintre-académie dont on ne connaît l'œuvre que par bribes et dont on ne s'est jamais avisé de faire l'inventaire (catalogue raisonné au moins) comme cela se fait de par le monde pour des hommes de cet acabit. Car, comme le précisait fort opportunément madame Malika Bouabdellah, ancienne conservatrice du Musée des Beaux-arts d'Alger et cela dès 1986 : « Pour nous, l'oeuvre d'Issiakhem est un jalon dans l'établissement de la tradition qui nous fait défaut, une manifestation du génie algérien, un legs dont pourront se nourrir et s'énorgueillir les générations futures. Issikhem a eu une activité considérable et variée... Il a pratiqué plusieurs genres et utilisé plusieurs techniques. Nous n'avons pas encore assez de documents et d'archives, son oeuvre n'est pas exhaustivement inventoriée et les collections nombreuses de ses travaux restent dispesrsés et inaccessibles ». C'était il ya 30 ans. Qu'a-t-on fait depuis? Il reste néanmoins évident que la frilosité des collectionneurs à montrer les œuvres qu'ils détiennent, quelles qu'en soient la qualité et le notoriété de leur auteur, est légitime. Elle ne s'estompera que lorsque des mesures législatives et réglementaires sécurisantes et incitatives seront prises et diffusées. Connus de tout le monde. Un itinéraire singulier Un catalogue a été édité à l'occasion de cette commémoratio. Il donne une biographie datée avec précision et relatant l'itinéraire universitaire et professionnel de M'Hamed. Un itinéraire ô combien singulier. 17 juin 1928: naissance à Taboudoucht près d'Azzefoun. 1931: son père Amar s'installe à Relizane et emmène avec lui M'Hamed. 1934: scolarité à l'école indigène. 1942: débarquement américain à Relizane (2ème Guerre mondiale). 1943 : M'Hamed manipule une grenade volée dans un camp américain. Explosion et décès de deux de ses sœurs et de son neveu. 1943-45: amputé du bras gauche, il est hospitalisé et subit 14 interventions chirurgicales. Certificat d'études indigènes. Il quitte la maison paternelle pour rejoindre Alger. Il rencontre Omar Racim dont il devient l'élève. Il suit les cours de la société des Beaux-arts puis rejoint l'Ecole des Beaux -arts où il retrouve Mesli et Louaïl. 1950: Il entre à l'école des Beaux -arts de Paris dans les ateliers de Legueult (peinture) et Goerg (gravure). 1951: il rencontre Kateb Yacine 1955: Il expose sa toile « Le cireur » au Festival mondial de la jeunesse de Varsovie. 1956: Il fait le portrait de Malek Haddad. Il séjourne à Cheverny et devient ergothérapeute pour enfants handicapés. 1957: Il iillustre sous le thème de la torture des textes de la revue Entretien. Il exécute le portrait de Djamila Bouhired pour le compte du FLN qui utilisera son œuvre à des fins de communication. 1959: il séjourne à Leipzig où il expose à la galerie Doniltstras. Il refuse le prix de la croix Marine en tant qu'ergothérapeute que lui propose le ministère français de la santé. 1961: il assure la restauration de monuments parisiens, puis il rentre à Alger. 1962: pensionnaire à la Casa Vélasquez, il la quitte après 4 mois. 1963: il est nommé chef d'atelier à l'école des Beaux-arts d'Alger. 1964: il devient membre fondateur de l'Union nationale des arts plastiques (Unap). 1965-66: Il est nommé professeur à l'Ecole des Beaux-arts d'Oran. 1967-68: Il réalise « Poussières de Juillet » avec Kateb Yacine et reçoit le prix international de la télévision au Caire et à Prague. 1969 : première rétrospective de son oeuvre au siège de l'INCI. Il reçoit le Prix du premier Festival Panafricain d'Alger pour son œuvre « A la mémoire de .... ». Il illustre l'ouvrage « Nedjma » de Kateb Yacine. 1970: il réalise les maquettes des billets de banque algériens et devient dessinateur et caricaturiste au quotidien « La République ». Il réalise des billets de banque de la Mauritanie et la Guinée Bissau. 1972: il visite le Vietnam en guerre. 1973: il décroche la médaille d'or à la Foire internationale d'Alger et devient professeur à l'Ecole d'architecture et d'urbanisme d'Alger. 1975 : il réalise des maquettes de timbres poste. 1980 : il décroche le premier simba d'or décerné par l'Unesco pour l'art africain. 1982 : il reçoit la médaille du Vatican de la part du Cardinal Duval. 1983 : il est récipiendaire de la médaille Gueorgui Dimitrov. 1985 : décès de M'hamed Issiakhem. 1987 : il est cité à l'ordre de la nation pour l'ensemble de son œuvre. Un bréviaire à méditer Issiakhem nous a laissé, éparpillées, éclatées, quelques assertions qu'il nous a semblé opportun de reproduire. Elles ont été puisées dans le catalogue qui accompagne cette commémoration. Nous en citons ci-après quelques-unes parmi les plus saillantes : -« Nous manquons de modestie et un artiste qui manque de modestie n'en est pas un . -L'art est une vision, une conception du monde. --Toi, moi, nous pouvons voir les mêmes choses, vivre les mêmes situations et les ressentir différemment, ce n'est pas antagoniqu. C'est enrichissant. -J'ai entendu, je ne sais combien de fois, les artistes me dire que le marasme se situait au niveau des responsables culturels, je ne suis pas d'accord... Nos artistes doivent se rapprocher et vivre en meilleure intelligence. Parce que seul, même quand on est un artiste on m'arrive à rien. -Il faut que la peinture cesse d'être le monopole d'une petite classe qui a les moyens d'acheter des tableaux. Il faut élargir le terrain et faire en sorte que la peinture soit accessible au plus grand nombre. -Avant de taquiner la toile, prouve-moi d'abord que tu as le sens de l'humain, que tu as le respect de l'être humain. -Que des peintres oublient de se préoccuper du devenir d'un autre peintre, c'est comme si la peinture était morte. Et les artistes avec ! -Par l'art figuratif, c'est l'expression du drame algérien. Il faut mettre l'art plastique au service de ton peuple. -Je suis resté fidèle à mes personnages. Mes personnages n'ont pas déliré. Ils ont subi. Mes personnages ont tous été torturés. -Si le peintre ne vit pas, n'explique pas le drame de sa société, il n'est pas artiste. » -« Je suis resté avec le souvenir des couleurs de ma mère ». Quant à nous, nous restons avec le souvenir des dcouleurs de M'hamed. Artiste plasticien