Un face-à-face qui se confirme sans que les pronostics et les études d'opinion l'aient formellement identifiés au fil des éditions. Au soir du premier tour de l'élection présidentielle, organisée dimanche 23 avril, les Français se sont massivement déplacés et ont choisi les deux concurrents devant s'affronter le 7 mai prochain : Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Avec 23,75 % des suffrages exprimés, le candidat du mouvement «En Marche !» est placé en tête, suivi de la candidate du Front national, avec 21,53 % de votants. Pour la première fois dans l'histoire récente, les deux représentants des partis de la droite et de la gauche, François Fillon et Benoît Hamon, tous deux assumant personnellement «la défaite» de leurs camps avec respectivement 19,71 % et 6,35 %, se sont vus forcés d'admettre un échec cuisant dès le premier round, «une sanction historique» qui va immanquablement vite déboucher sur des rendements de compte qui ne vont pas tarder à transparaître lors des bureaux politiques à venir. Ainsi, c'est une page qui tourne et un nouveau chapitre qui va s'écrire, après cinquante années de vie politique bipolaire. «En une année, nous avons changé le visage de la vie politique française», a affirmé, après le verdict des urnes le très probable futur locataire de l'Elysée, qui a enregistré au passage beaucoup d'appels, y compris celui du candidat de la droite, au vote en sa faveur. Ajoutant dans la perspective du second tour : «Je me dois de rassembler le plus large possible tous les Français». A l'évidence, une condition et une posture sine quibus non, sans lesquelles la victoire pourrait s'avérer difficile. Les appels après l'annonce des résultats, venant de toutes parts pour barrer la route à Marine Le Pen, signifient clairement que le Front républicain, ce plafond de verre auquel elle devrait se heurter, à pris corps. Cela laisse présager une élection de maréchal au profit du leader d'«En Marche!», même s'il est inopportun et peut apparaître arrogant d'anticiper le choix des électeurs et que, notoirement, une consultation électorale n'est jamais gagnée d'avance. La nouvelle configuration du champs politique français qui se profile, dont Emmanuel Macron aura été l'un des initiateurs, avec pour substrat une approche de synthèse et de consensus entre les différents courants politiques, à l'exception des tendances souverainistes, et un à degré moindre, celui de la France insoumise, incarné par le tribun déçu, Jean-Luc Mélenchon, qui est passé, lui, pas loin de la victoire avec 19,63%, manquant de peu de réussir son pari et qui a amèrement «regretté un second tour entre 2 candidats qui approuvent et veulent prolonger (...) les institutions actuelles», va inévitablement donner un coup d'arrêt au populisme européen en embuscade, qui n'a pas cessé de fleurir et de se propager ces dernières années à travers toute l'Europe. Visiblement, les Français ont fait le choix de transcender les chapelles partisanes qui ont gouverné jusqu'ici, et donné sans ambages un quitus à des mouvements nouveaux, jamais appelés à gérer le pays. Contrairement aux prévisions qui tablaient sur une baisse significative de la participation (78%), au vu du dégoût qu'avait suscité le déroulement de la campagne, les Français ont finalement voté comme ce fut le cas lors des dernières consultations présidentielles. L'abstention avait été en effet annoncée battre des records. Celle-ci se situe, finalement, dans les mêmes proportions que les précédentes, signe d'une «vitalité démocratique qui ne faiblit pas», a salué le ministre de l'Intérieur, Matthias Fekl. Après avoir subi les soubresauts d'une campagne que les Français ont, majoritairement, jugée lamentable, observé et dénoncé l'entêtement du candidat de la droite à vouloir concourir coûte que coûte, nonobstant ses chances infimes de se qualifier, et à travers les résultats de ce premier tour, le peuple français a donné cette fois un message à double signification. D'une part, il donne congé aux pratiques archaïques qui ont prévalu pendant bien longtemps, orchestrées par des hommes politiques qui se sont affranchis des règles d'éthique et de morale, au mépris de ceux d'en bas. De l'autre, balayant des décennies de pouvoir concentré entre les mains de deux grands partis, il compte essayer l'inédit, en laissant se confronter deux projets antagoniques : d'essence républicaine pour l'un et d'Adn nationaliste et xénophobe pour l'autre. En plaçant en tête le mouvement «En marche !», qualifié de novateur par sa composition et sa vision, rassembleur en interne, ouvert au monde, respectueux des voisins européens et des partenaires avec lesquels la France a tissé des liens historiques, sans lesquels l'on ne peut imaginer un avenir serein, les électeurs ont fait le pari d'un vivre-ensemble apaisé. Dans le même temps, il a plébiscité un Front national, cette mouvance qui prône le repli, exacerbe la haine, qui fait dans la division, irrespectueux des différentes composantes de la communauté nationale, et avec un retour aux sources et aux valeurs traditionalistes, aujourd'hui dépassées, compte tenu de l'évolution du monde actuel.