Au terme d'une campagne harassante et inédite dans l'histoire de la Ve République, qui présage d'une recomposition radicale du système politique français, de nouveau les électeurs sont appelés, demain, à choisir entre deux modèles de société, loin du schéma classique. Deux projets antagoniques leur sont proposés en effet. L'un est porté par un candidat, Emmanuel Macron, inconnu il y a trois ans, mais se disant aujourd'hui l'incarnation du renouveau en politique. L'autre, proposé par une candidate d'extrême droite, Marine Le Pen, héritière d'un mouvement extrémiste, dont le co-fondateur avait eu tant et tant de fois maille à partir avec la justice pour des propos négationnistes et haineux à l'égard des étrangers. A première vue, le choix est simple. Entre un projet qui plaide pour une réconciliation et une cohésion nationales et une vision d'une société fermée, repliée sur elle-même, prônant la sortie de l'Europe, le retour à une monnaie nationale, grevant de facto les économies des citoyens, les Français devraient se mobiliser en faveur du premier. Mais, au regard de la reconfiguration du paysage politique français, conséquence des choix opérés lors du premier tour, les choses ne sont pas aussi simples qu'elles n'y paraissent. Désormais, quatre blocs distincts animeront la vie politique française. D'un côté, l'on note ceux qui se retrouvent dans le projet du mouvement «En Marche !», qui considèrent que le clivage gauche/droite a toujours été un handicap pour formuler des réformes, puisque l'un et l'autre se sont heurtés à chaque fois à la difficulté de trouver un compromis et de sortir des blocages systématiques auxquelles se sont trouvées confrontés leur majorité parlementaire successive. D'où, estiment les partisans d'Emmanuel Macron, la nécessité de mettre en oeuvre une nouvelle politique d'entente nationale à laquelle doivent participer toutes les bonnes volontés de quelques tendances que se soit. De l'autre, un segment contestataire important, composé essentiellement des électeurs de la France insoumise, est issu des résultats du premier tour et qui consiste à refuser toute ingérence de l'Europe dans les affaires internes de la France et à privilégier les dépenses publiques pour booster l'économie, et à cesser de se soumettre aux injonctions de la finance internationale, à l'opposé des Républicains qui prônent une politique d'austérité, seule à même de réduire, d'après eux, les déficits publics abyssaux, une offre électorale que les Français ont rejetée dès le premier tour. Enfin, figure dans cette compétition une extrême droite conquérante qui ne cesse de grappiller à chaque élection de nouveaux adeptes. Confortés par une conjoncture internationale favorabe, profitant du marasme économique de ces dix dernières années et du chômage endémique qui frappe toutes les catégories sociales, les plus précaires avec acuité, les souverainistes se sont hissés au rang de premier parti de France. Pour l'heure, le choix se limite à une alternative claire : Ou les Français donnent une légitimité forte à un nouveau venu dans la scène politique, avec un projet novateur, ou les électeurs, moins probable au regard de la dynamique dont bénéficie le favori de cette élection présidentielle mais aussi de l'accueil défavorable réservé à la candidate challenger, plébiscitent un projet qui sème la haine et exacerbe les tensions sociales ; une vision qui risque de mener la France au désastre et l'Europe à l'explosion.