Des experts indépendants des droits de l'Homme des Nations unies ont estimé jeudi que la proposition de loi française controversée sur la sécurité globale était «incompatible avec le droit international des droits de l'Homme», et «devrait être révisée en profondeur». «C'est un bon signe que les membres du Parlement aient déclaré qu'ils réécriraient l'article 24 visant à limiter la publication d'images de policiers, mais il faut aller plus loin et repenser l'objectif de la proposition de loi dans son ensemble», ont déclaré ces experts dans un communiqué de presse conjoint. Selon eux, «la simple réécriture de l'article 24 ne résoudra pas ses défauts et cette disposition n'est certainement pas la seule dans la proposition de loi qui porte atteinte aux droits de l'Homme». L'approbation de la proposition de loi sur la sécurité globale par l'Assemblée nationale la semaine dernière a incité des dizaines de milliers de personnes à manifester dans plusieurs villes en France. Les manifestants exprimaient également leur colère face à des vidéos montrant la police en train de démanteler violemment un camp de migrants au cœur de Paris et le passage à tabac intolérable d'un producteur de musique noir par des policiers qui a été filmé par une caméra de sécurité. Quatre officiers de police ont été inculpés en relation avec cet incident. Dans ce contexte, les experts ont déclaré que «ces incidents constituent des rappels incontestables du fait que les images vidéo des abus policiers captées par le public jouent un rôle essentiel dans la surveillance des institutions publiques, ce qui est fondamental pour l'Etat de droit».»Parmi les nombreuses autres dispositions de la proposition de loi qui pourraient limiter les droits de l'Homme, l'article 22 autorisant l'utilisation de drones de surveillance au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme permettrait une surveillance étendue, en particulier des manifestants. Cela aura de graves implications pour le droit à la vie privée, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'expression dans le pays, ainsi que dans tout autre pays qui pourrait s'inspirer de cette législation», ont-ils ajouté. «L'introduction de ces mesures de surveillance doit être lue à la lumière des nouvelles technologies, notamment la reconnaissance faciale et la collecte massive et sans discernement de données personnelles, qui pourraient dissuader les gens d'exercer leurs droits fondamentaux», ont-ils averti. Tout en accueillant la création d'une commission, dirigée par le président de la Commission nationale des droits de l'Homme, chargée de formuler des recommandations concernant l'article 24, les experts ont exhorté les autorités à «entreprendre une évaluation complète de la compatibilité de l'ensemble de la proposition de loi avec le droit international». Les experts ont précédemment exprimé leurs préoccupations concernant la loi aux autorités françaises et réitèrent leur disponibilité pour fournir toute assistance technique dont les autorités pourraient avoir besoin dans ce contexte. Les experts sont : Irene Khan, Rapporteure spéciale sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, Fionnuala D. Ní Aoláin, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.