La prestation de serment de Barack Obama, qui doit avoir lieu aujourd'hui, revêt incontestablement un caractère exceptionnel. On l'a répété à satiété, le symbole est très fort ; mais pour beaucoup, cette intronisation signifie d'abord et avant tout le départ de George W. Bush. L'homme qui a incarné le courant le plus extrémiste du complexe militaro-financier quitte la Maison-Blanche après huit longues années de sang et de dérives, sur un bilan sans appel. La guerre américaine contre le terrorisme s'est traduite par des centaines de milliers de morts innocentes en Irak et en Afghanistan, une régression sans précédent du droit international, pour finir dans une crise économique aux proportions bibliques. La violence absurde et l'autisme idéologique de l'équipe de fanatiques néoconservateurs autour de George Bush resteront les repères d'une des périodes les plus sombres de l'histoire nord-américaine. Dire que l'évocation de ces hommes et de ces femmes incultes et brutaux suscite la répulsion est un euphémisme, tant l'image internationale des Etats-Unis est très profondément dégradée et sa classe politique largement discréditée. Le choix de Barack Obama par la partie la plus éclairée du complexe militaro-financier, qui contrôle sans partage la scène politique américaine, répond précisément à ce constat. Il fallait un changement significatif, perceptible par tous pour effacer une image très négative et faire face à une situation économique aux conséquences sociales dévastatrices. Plus qu'une femme blanche, un homme noir à la tête des Etats-Unis est une rupture symbolique très forte. En particulier quand cet homme est un intellectuel confirmé, brillant orateur extrêmement consensuel, sa couleur de peau mise à part. L'arbre Obama et la forêt d'inégalités Dans les ténèbres du bushisme, l'apparition d'Obama ne pouvait que provoquer l'enthousiasme, non seulement d'une majorité de l'électorat américain, mais aussi d'une très large partie de l'opinion internationale. L'accueil enthousiaste, frôlant parfois le délire, comme à Berlin en juillet 2008, où deux cent mille personnes étaient venues l'applaudir, en dit long sur les espérances nourries par beaucoup d'une Amérique différente. Et c'est dans une remarquable unanimité que l'ensemble des médias occidentaux, dont personne n'ignore qu'ils sont contrôlés par des intérêts financiers et politiques très identifiables et très convergents, ont littéralement porté le candidat démocrate. Ce leader « différent », mais on l'a vu fort consensuel, dont les slogans portant sur le «changement» ont été suffisamment vagues pour fédérer une nette majorité de citoyens américains, était, beaucoup l'oublient, le seul et unique sénateur noir. De fait, l'arbre Obama masque la forêt d'inégalités qui caractérisent une société qui est loin, toutes les statistiques le montrent, d'avoir digéré son passé ségrégationniste. Le triomphe final, le 4 novembre 2008, à l'issue d'une âpre bataille où le candidat métis a attiré plus de financements et de voix que ses concurrents, a été un moment de pur bonheur populaire et médiatique. L'Amérique avait donc changé, on pouvait à nouveau être fier d'être américain en toute bonne conscience. Dans ces vibrations de bonheur quasi charnel et d'émotion générale savamment entretenue, les éléments de politique internationale du discours du président-élu ont été à peine relevés. Rien ne devait gâcher la liesse populaire. Pourtant, les déclarations de Barack Obama sur la nécessité d'un désengagement du bourbier irakien étaient immédiatement compensées par la perspective d'un renforcement de l'effort de guerre en Afghanistan, avec à la clé un éventuel élargissement du conflit au Pakistan. Démonstrations d'allégeance à Israël Les démonstrations réitérées d'allégeance à Israël ont culminé dans un discours devant une des façades du lobby sioniste, l'AIPAC, où Barack Hussein Obama, dans une surenchère vibrante, a proclamé que Jérusalem devait être la capitale indivisible de l'Etat d'Israël. Pour les moins paranoïaques, le choix de Joe Biden en tant que colistier était déjà une indication concrète du maintien de l'hégémonie sioniste sur la politique étrangère du futur président. Les nominations qui ont suivi l'élection, d'Immanuel Rahm, soldat de réserve de l'armée israélienne, à Madame Clinton, qui évoquait sa volonté de « rayer l'Iran de la carte », ont confirmé le peu de changement à attendre de la nouvelle administration. L'effroyable carnage de Ghaza, technologiquement - au moins - assumé par les Etats-Unis, n'a pas même provoqué l'expression d'un minimum de compassion pour les centaines de femmes et d'enfants victimes de la folie israélienne. Le sang des innocents ne mérite pas un mot, pas de condamnation de la politique de meurtre, mais de la simple commisération. Le silence du président-élu n'a pas été rompu par ses collaborateurs. Que peut-on donc attendre au plan international de Barack Obama ? Sera-t-il l'homme d'une rupture épistémologique avec la logique impériale qui a toujours prévalu, ou celui d'une continuité reliftée ? Tout semble indiquer que le second terme de l'alternative est de loin le plus probable.