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Danger sur la santé : Des pesticides dans vos assiettes !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 30 - 03 - 2009

L'Association algérienne pour la protection de l'environnement tire la sonnette d'alarme : «L'Algérie est un grand consommateur de pesticides : 30 000 tonnes sont «épandues» chaque année. Les conséquences sanitaires de l'exposition à ces milliers de composants chimiques, par le biais de l'eau et de l'alimentation, sont massives et inquiétantes».
«Les études ne cessent de montrer les liens entre pesticides et cancer. Or, le cancer tue 40 000 personnes, chaque année, en Algérie. Dans ce lot macabre, des milliers d'innocents trouvent la mort pour avoir consommé des produits contenant des pesticides. Des milliers d'autres personnes sont affectées de graves pathologies ». Le constat de cette association est plus qu'alarmiste. « Le terme de pesticides recouvre trois types de substances : les herbicides ou désherbants (contre les mauvaises herbes), les fongicides (contre les champignons et les moisissures) et les insecticides», indique Mr Chelabi, ingénieur agronome, spécialiste en cultures maraîchères. Sous chacune de ces appellations, on retrouve des familles chimiques différentes. Les pesticides sont majoritairement employés dans les exploitations agricoles, mais aussi dans les espaces verts, les forêts, les maisons... Tout récemment, une journée de sensibilisation sur les risques liés à l'usage des pesticides a été organisée conjointement par l'Institut national de protection des végétaux (INPV) et Syngenta, une multinationale suisse. La rencontre s'est tenue au siège de la station de protection des végétaux de Sayada. En Algérie, les laboratoires analysent rarement les produits alimentaires pour déterminer leur contenance en substances chimiques. En cause : un manque d'équipements permettant l'analyse, le contrôle et le suivi de la gestion de ces produits toxiques que sont les pesticides. En l'absence de chiffres officiels de contamination par les résidus de pesticides des aliments vendus sur les étals, d'autres données sanitaires sont édifiantes : en 2008, les analyses physico-chimiques réalisées par le Centre algérien du contrôle de la qualité et de l'emballage (CACQE) ont touché 7.675 échantillons alimentaires. 2.419 échantillons sont déclarés non conformes, soit 32 % du total. Plus encore, pour M. Chelabi, « la moitié des fruits et des légumes (dont notamment les poivrons, piments, tomates, poireaux, laitues et épinards), vendus sur les étals, contiendraient ces substances chimiques. Les fruits les plus touchés sont les fraises, les mandarines et les raisins... Pire encore, des pesticides interdits de commercialisation et d'usage dans l'Union européenne ont été retrouvés dans les raisins vendus en Algérie. Dont l'endosulfan, un polluant organique persistant (POPs) dont les dommages se font sentir des années sur l'environnement. Ou encore un insecticide, le bromopropylate. Certains fruits et légumes dépassent même la concentration maximale de résidus de pesticides universellement tolérée. Le hic, c'est que la législation algérienne ne fixe aucun taux de résidus tolérable ! « Normalement, un tel taux est fixé de façon assez complexe pour chaque type de produit. Plus le temps de stockage est long, plus les produits contaminés migrent de la peau vers le fruit. La pomme peut être contaminée jusqu'à 5 millimètres sous la peau du fruit », ajoute M. Chelabi. Alors comment faire pour les éliminer ? « En lavant les fruits et légumes. Il vaut mieux cuire à la vapeur qu'à l'eau. Pour les aliments comme le chou, la laitue,... il est préférable de retirer les feuilles externes et le trognon. L'épluchage réduit beaucoup les risques, mais retire aux aliments certaines de leurs vertus nutritionnelles », conseille notre interlocuteur qui stigmatise, documents à l'appui, une véritable conjuration pour dissimuler les risques liés à la dissémination de substances que des centaines d'études dénoncent sans équivoque comme cancérigènes. Selon l'OMS, les pesticides seraient responsables du décès de 20 000 personnes environ chaque année, dans le monde. Actuellement, 25 groupes de pesticides, dont la plupart sont utilisés en Algérie, ont été déclarés substances cancérigènes. Selon les conclusions de 150 études, réalisées dans 61 pays sur la concentration des pesticides dans le corps humain en cas d'atteinte, on retrouve ces produits chimiques dans les tissus adipeux, le cerveau, le sang, le foie, le placenta et même dans le lait maternel. La plupart des pesticides sont classés comme cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction ou encore perturbateurs pour le système hormonal. Leurs effets sur la fertilité masculine sont désormais avérés.
Pesticides périmés stockés dans la nature
Un membre de la Chambre de l'agriculture de la wilaya de Tipaza appelle à « une mobilisation des pouvoirs publics pour mesurer l'impact des pesticides sur l'environnement et la santé ». Ce dernier a relevé que les délais à observer avant la récolte des fruits et légumes ne sont souvent pas respectés par les fellahs, en Algérie. Des délais de récolte sont, en effet, nécessaires à la plante pour réduire les résidus et permettre de le mettre sur le marché sans aucun risque pour le consommateur. Certains témoignages de fellahs sont accablants : « souvent, des traitements sont effectués le soir et les légumes et fruits sont récoltés et emmenés vers le marché le lendemain ». « Mais la voie alimentaire n'est pas la principale exposition aux pesticides», rappelle un membre de l'association pour la protection de l'environnement : « Dans certaines régions du pays, les pesticides, qui étaient utilisés dans la lutte acridienne (lutte contre les criquets) en 2005, sont à ce jour stockés à l'air libre sans aucune protection près des docks silos ». Quelque 190 tonnes de pesticide Aldrin, périmé, sont stockées à différents endroits du pays. Personne ne sait quoi en faire. Pour palier le manque d'analyses en Algérie, une vingtaine de projets de laboratoires seront lancés, cette année. D'autres laboratoires en activité sont appelés à se doter en équipements nécessaires aux analyses permettant de déterminer la contenance des aliments en pesticides. La lutte devrait s'acharner d'autant plus que l'usage des engrais et pesticides n'est pas prêt de s'estamper, en Algérie. Le pays accueille de plus en plus des implantations d'usines de production de pesticides et d'engrais chimiques. Au printemps 2008, le japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) a obtenu une commande de 2,4 mds USD pour la construction d'un complexe d'engrais à Mers El-Hadjadj, en partenariat avec les Coréens de Daewoo. Il s'agit d'une commande émanant de la société Algeria Oman Fertilizer Company (El-Djazaïria El-Omania Lil Asmida), une entreprise récemment créée, détenue à 51 % par le groupe omanais Suhail Bahwan Group Holding (SBGH) et à 49 % par Sonatrach. La partie engineering est confiée au groupe Daewoo, et le complexe devrait entrer en production vers 2012. La firme Fertiberia devrait aussi construire une usine de production d'ammoniac à Arzew. Un investissement de 721 millions d'euros, répartis entre le complexe de production d'ammoniac d'Arzew (315 millions d'euros) et une prise de participation à hauteur de 66 %, dans Alzofert de Annaba et Fertial d'Arzew. L'usine d'Arzew devrait produire plus de 1 million de tonnes d'ammoniac par an. Fertiberia s'intéresse depuis longtemps à l'entreprise Asmidal reconnue comme leader dans la région pour sa production d'engrais phosphaté et azoté. Y a-t-il une alternative aux pesticides ? M. Chelabi estime que d'autres moyens de production existent : l'agriculture raisonnée ou les systèmes de production intégrés. Aussi, les scientifiques réclament du ministère de l'Agriculture un plan qui viserait à réduire l'usage des pesticides. Une nouvelle législation en la matière est nécessaire. « Le ministère de l'Agriculture doit ordonner une étude sur l'usage des pesticides en Algérie et instaurer des standards plus exigeants sous forme de loi », conclut notre interlocuteur.


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