Le vice-président américain Joe Biden s'est rendu au Liban où il a délivré à son peuple ce que notre confrère K. Selim a justement qualifié de «sommation à bien voter» lors des élections législatives qui vont avoir lieu dans leur pays le 7 juin prochain. Et le «bien-voter» version Joe Biden consiste à barrer la route aux «parties hostiles à la paix», selon les critères de l'Amérique. Les Libanais auxquels il a ainsi montré le «bon chemin» apprécieront la portée du conseil de l'émissaire américain en ayant présent à l'esprit qu'il s'est gardé de faire la même intervention en direction du peuple israélien, qui a lui aussi eu des élections législatives remportées par des ennemis de la paix. L'intrusion du vice-président américain dans le débat politique libanais est éclairante de la conception à géométrie variable que l'establishment politique américain a de la démocratie. Pour celui-ci, l'expression démocratique a ses limites dans le monde arabe. Celle de ne pas légitimer les adversaires des intérêts géostratégiques des Etats-Unis dans l'un des pays arabes ou dans la région. La sommation faite aux Libanais par Joe Biden préfigure que leur pays sera soumis aux mêmes avanies internationales qu'ont eu à subir les Palestiniens après leur vote qui a donné la majorité parlementaire au Hamas, classé par Washington à la même enseigne que les «parties libanaises» dont il leur a «recommandé» de s'éloigner. Joe Biden traîne la casserole d'être un gaffeur impénitent, mais en la circonstance, son intervention au Liban ne doit rien à son esprit gaffeur. Il a tout simplement transmis le message injonction d'une administration américaine qui ne veut pas et n'accepte pas qu'un scrutin démocratique en pays arabe donne des résultats qui ne conforteront pas les desseins et les projets des Etats-Unis. La menace que Joe Biden a fait sous-entendre aux Libanais est que si le Hezbollah et ses alliés remportent les élections législatives, le Liban sera mis à l'index par les Etats-Unis et leurs alliés, avec la conséquence quasi certaine que cette situation incitera leurs relais et protégés intérieurs à refuser d'admettre le résultat électoral. Ce qui ouvrirait alors la voie à tous les dérapages dans ce pays qui n'a pas encore fini avec les tentations suicidaires des confrontations communautaro-religieuses. La sommation américaine au peuple libanais conforte et absout par avance les faucons ultra droitiers qui sont arrivés au pouvoir en Israël et auxquels l'Occident a déroulé le tapis rouge, sans songer un instant qu'il fallait «punir collectivement» le peuple israélite pour avoir fait le vote qui leur a permis d'accéder à ce pouvoir. Pour l'Amérique en somme, celle de Bush mais celle aussi des Obama et Joe Biden, les Arabes démocrates et de paix sont exclusivement ceux qui votent dans le sens qu'elle veut et pour les supplétifs qu'elle adoube.