Les débats longs et même en séances nocturnes autour du plan d'action du gouvernement n'ont pas changé la large opinion qui estime que depuis le 9 avril dernier, le pays est à l'arrêt. Cela fait une semaine que le Premier ministre a présenté son plan d'action devant l'Assemblée populaire nationale. Et il y a une semaine que les députés en débattent, même en soirée, pour qu'enfin, Ouyahia le défende, lui, ce lundi. Mais il semble que l'opinion publique refuse de croire que c'est là un signe de prise en charge effective des affaires de l'Etat notamment par un gouvernement qui ne lui a jamais plu et qu'elle attendait qu'il soit éconduit dés la réélection du président de la république pour un troisième mandat. Les avis ont été unanimes pour que Bouteflika se sépare de son exécutif parce qu'en premier, il a un nouveau mandat «donc il lui faut une nouvelle équipe». En plus, la société croule sous les nombreux problèmes sans que le gouvernement n'arrive à lui en résoudre les plus élémentaires à savoir la cherté de la vie ou le droit aux soins sans forcément en mourir. Il faut reconnaître cependant, que les raisons évoquées n'ont aucune assise légale. Le président n'est donc pas obligé d'en faire une obligation. Aucun texte ne l'oblige en effet, à le faire dans pareilles circonstances. En plus, si tout le monde l'attendait et le souhaitait, lui, est connu pour contredire les opinions qui lui viennent à contre sens. Il faut surtout rappeler que tout au long de sa campagne électorale, Bouteflika n'a eu de cesse de répéter qu'il n'apportera rien de nouveau durant son nouveau quinquennat. Qu'il incarnera même la continuité dans toute l'ampleur du terme. En terme de programme, il continuera les projets déjà enclenchés durant ses deux mandats précédents. Seule chose qui lui tient à cœur, c'est «approfondir», répétait-il à tous, la réconciliation nationale. Le reste ne sera que «continuité dans le sens où il est prévu la finalisation des projets déjà mis en exécution depuis quelques années.» Des projets qui, faut-il le rappeler, datent dans leur grande partie, des gouvernements d'avant l'ère Bouteflika à l'exemple de l'autoroute est-ouest, du métro d'Alger, du tramway, des raccordements d'eau potable... C'est dire que depuis 1999, rien n'a été initié de nouveau, excepté d'exécuter ces programmes tant les moyens financiers pouvaient largement le permettre à la faveur des vertigineuses montées des prix du pétrole. Ainsi, l'approfondissement de la réconciliation national est-il le principal axe sur lequel repose la trame du plan d'action du gouvernement. Ahmed Ouyahia est, par l'effet de la dernière révision de la Constitution, devenu le parfait exécutant sans qu'il ait un quelconque droit d'apporter la moindre contradiction à ce qu'il se décide au niveau d'El Mouradia. A part Zerhouni D'ailleurs, les choses n'en étaient pas très différentes avant. Aujourd'hui, elles ont force de loi. L'on estime qu'Ouyahia aurait du d'ailleurs s'en persuader davantage il y a plus d'une semaine, le mardi, jour de la tenue du premier conseil des ministres depuis la récente élection présidentielle. Les échos qui en sont parvenus confirmeraient, si tant est besoin, le choix de Bouteflika à être au-dessus de «la mêlée. L'on apprend ainsi que la réunion du Conseil des ministres avait effectivement un seul point à l'ordre du jour, à savoir la présentation du plan d'action du gouvernement. Avec la précision que le gouvernement n'a apporté aucune nouveauté par rapport à ce qu'il lui a été dicté par le président. Qui plus, un conseil, qui, dit-on, n'aurait pas duré plus d'une demi-heure. «Expéditif» disent nos sources avec une remarque de Bouteflika jugée «très pertinente» entendre, qui se rapporte à la situation. «A partir d'aujourd'hui, je ne recevrais plus personne, à part Zerhouni,» aurait lancé le président à son exécutif. Pourquoi Nouredine Yazid Zerhouni en particulier ? interrogeons-nous. «Parce que l'un des changements que veut opérer le président est la création d'un grand ministère de la sécurité de l'Etat qui regrouperait la police, la gendarmerie et les services de renseignements et que Zerhouni superviserait» nous répond-on en soulignant que «ce sont là les services de sécurité qui dépendent d'ailleurs du ministère de l'Intérieur même si la tutelle de la gendarmerie nationale est le ministère de la défense». Cette idée de changement aurait provoqué de profonds remous au sein des institutions concernées. L'on parle même d'une réunion de leurs «chefs» respectifs pour dit-on «faire savoir au président qu'il serait préférable de ne pas le faire aussi rapidement.» Un super ministère de la sécurité de l'Etat, s'il arrive à être retenu, supposerait, en évidence, selon nos sources, une redéfinition des structures et des missions des services de sécurité, tout corps confondu, et une révision de l'approche sécuritaire qui se ferait en conformité des exigences d'une réconciliation nationale approfondie comme la veut Bouteflika. Gérer les affaires courantes au nom de la continuité De sources sûres, l'on dit encore que l'autre changement prévu par Bouteflika est le remplacement de Ouyahia par Belkhadem à la tête du premier ministère. L'information ayant été donnée à répétition par plusieurs médias, elle n'est donc pas nouvelle exceptée qu'elle laisserait sous-entendre qu'elle aurait été rejetée par le chef des services de sécurité qui aurait prétexté aussi une question de temps. «Mieux vaut ne pas changer de personnels tout de suite et attendre juin ou septembre pour le faire, comme ça, on ne verra pas que c'est du à un mécontentement du président,» aurait soutenu «ce front» de refus. «Et si Ouyahia ne doit pas partir, et bien personne ne partira,» aurait rétorqué la présidence de la république. Mais entre-temps, Belkhadem, une fois (re)sollicité, aurait selon nos sources, entamé des consultations et aurait «même appelé des ministres en fonction pour leur dire qu'ils devraient se tenir prêts à quitter leur poste.» C'est d'ailleurs «ce qui expliquerait la démobilisation de l'exécutif,» nous dit-on. Il est inutile de se demander où se situe le vrai du faux dans tout ce qui se dit depuis la réélection de Bouteflika. Si réponse y avait, l'on aurait compris sur quelles bases les résultats de cette réélection auraient-ils été établis. L'on nous dit même que Bouteflika en voudrait beaucoup à son équipe «notamment l'alliance pour n'avoir pas pu convaincre l'électorat qui n'aurait pas atteint les 17%.» Pour lui «comme d'habitude, l'échec ne viendrait pas de lui mais du gouvernement qui n'a pas su régler les problèmes des citoyens.» C'est peut-être pour lui en vouloir que le président ne change pas une équipe qui perd. En attendant, selon nos sources «il sait que ce sont les walis qui, tout au long du déroulement du scrutin, ont sauvé la face à leur manière. D'ailleurs, l'on s'attend à ce qu'il en nomme certains à des postes ministériels.» Connu pour mettre à plat toute velléité de contradiction ou de controverse de ses personnels à propos des décisions qu'il tient à prendre et ce quel qu'en soit leur «grade», Bouteflika semble ainsi n'en faire qu'à sa tête. L'on verrait mal dans ce cas, un des responsables lui reprocher ouvertement de changer ou pas le Premier ministre ou le gouvernement. Mais il a certainement compris que le refus pouvait s'exprimer autrement et se manifester à son insu. L'été s'annonce d'ores et déjà chaud après avoir atteint en ce mois de mai, des pics de 40 degrés au nord du pays. Ce qui permettrait peut-être les reculs nécessaires pendant que le gouvernement, gère les affaires courantes au nom de «la continuité». Ramadhan viendra en août. D'ici là, à savoir si le président animera durant ce mois, ses traditionnelles auditions de ses ministres actuels ou futurs.