L'AAPF (Association algérienne pour la planification familiale), présidée par Mme Chabni Nafissa, vient encore une fois de casser quelques tabous en programmant, ce dimanche à la salle des conférences de l'ASPEWIT, une rencontre qui a regroupé les hommes de religion, de droit mais surtout des médecins, des assistantes sociales, des psychologues, sur l'avortement à risque et son impact sur la santé des femmes et des familles. L'AAPF a voulu porter le débat à la société et à la société de parler d'avortement. Ce sera le professeur Kaouel Meguenni, membre de l'AAPF, qui s'étalera lors de son intervention d'ouverture sur l'association et son approche de la problématique de l'avortement à risque. «Il expliquera que lors d'un avortement spontané, les complications sont rares et peu graves. Par contre, l'avortement provoqué lors de grossesses non désirées (en général chez les filles-mères), non autorisé chez nous donc clandestin, présente souvent des complications immédiates: perforation, déchirure, hémorragie ou embolie, septicémie, pelvipéritonite ou embolie septique. Autant dire que puisque ce qui est clandestin est caché, les statistiques les plus pessimistes ne peuvent être que très en dessous de la réalité. En Algérie, il n'y a pas de statistiques officielles, le sujet étant encore tabou». Tour à tour, les hommes de droit et de religion démontreront l'interdiction par la chariaâ et par la loi de l'avortement par moult versets, hadiths et articles du code pénal. Il n'y aura cependant que deux cas où l'avortement est autorisé: pour des raisons thérapeutiques: sauver la vie de la mère si elle est en danger (article 308), et en cas de viol commis dans le cadre d'acte terroriste (depuis 2004). Mais on s'attardera longtemps dans les débats sur les grossesses illégales, la prise en charge des filles-mères dont le chiffre est en nette augmentation, où une centaine environ atterrit chaque année dans les maternités, et les moyens chimiothérapeutiques (notamment l'usage de substances nouvelles) qu'elles utilisent parfois pour interrompre cette grossesse. On n'a jusqu'à présent aucune idée de ce qui se passe dans la clandestinité à propos de grossesses illégales mais on ne sait seulement que c'est une question de vie ou de mort ou de malvie parfois. C'est ce qui fera dire au docteur S.Laribi, médecin légiste, qui interviendra sur «L'avortement criminel»: «Aujourd'hui, le diagnostic de l'avortement criminel est très difficile en raison de l'évolution des moyens abortifs». Le docteur Mohammed Ouali expliquera qu'en 2 ans, le CHU de Tlemcen a enregistré 162 cas d'avortement (62 en 2005 et 100 en 2006) qui ont causé le décès de 7 femmes dont 5 des suites opératoires immédiates par choc psychologique chez des jeunes femmes. Il est noter que sur les 162 avortements, 9,25% sont âgées entre 15 et 25 ans. Mme Nacéra Benosman, psychologue, s'engagera sur les raisons socio-affectifs: «La qualité et l'intensité des réactions de la femme à l'avortement sont fonction d'un grand nombre de variables: les circonstances dans lesquelles l'avortement a été envisagé, l'âge et la maturité de la femme, son contexte socioculturel, son arrière-plan religieux ou philosophique. Les statistiques sont, à cet égard, très difficiles à établir pour plusieurs raisons: beaucoup de médecins ne s'intéressent pas à ces questions ou les occultent, car elles sont culpabilisantes pour eux ; bien des femmes cachent ce qu'elles ressentent, et parfois les réactions de regret ou de culpabilité n'apparaissent que plusieurs années après l'avortement. Le syndrome post-avortement est dans notre société volontairement occulté». Mais son confrère M. Lakehal Mustapha parlera d'avortement sélectif en éliminant par avortement le sexe féminin. Les chiffres sont effarants: 20 millions en Inde en 10 ans, 1.600 avortements sélectifs en Angleterre par jour, 3.500 par jour aux USA, plus de 1.000 par jour en Arabie Saoudite et plus de 800 avortements sélectifs en Egypte. Ce phénomène existe même à Tlemcen mais il est non déclaré.