Encore traumatisé par l'horrible agression dont il fut victime ce jour-là, Ali (appelant-le ainsi) jette un regard furtif vers les deux accusés comparaissant au box. «Regardes les bien, tu es certain que ce sont ces deux hommes qui t'ont attaqué ?», l'interroge le juge. Le témoin met du temps, hésite. Visage contracté, lèvres pincées, il dit en faisant pivoter légèrement sa main : «Oui, ce sont eux... Enfin, leurs morphologies et leurs faciès correspondent tout à fait aux deux agresseurs». Le président d'audience : «Donc tu n'es pas sûr à 100% ?». Ali, en proie au doute, enlisé dans un cas de conscience, avoue : «Votre honneur, j'ai une très forte présomption que ce sont bien eux, mais je suis encore choqué par ce qui m'est arrivé et j'ai beaucoup de mal à remémorer les faits et les visages avec netteté». Mohamed, une autre victime, le relaye à la barre. Ce jeune homme est catégorique ; «ce sont bel et bien ces deux gars qui m'ont agressé.» «Le 8 janvier, relate-t-il, aux environs de 18h, arrivé au lieu-dit Aïn El-Hamia, à l'orée de la forêt d'Aïn Franine, où je voulais m'approvisionner en eau douce pour les besoins ménagers, une Peugeot 406 gare à ma hauteur. Deux hommes encagoulés surgissent comme des ninjas et m'attaquent». «L'un d'eux, ajoute-t-il en pointant le doigt vers Z.A pour l'identifier, me ligote les pieds avec ma propre ceinture tandis que l'autre, le deuxième, G.E, me menace de me trancher la tête avec une hache, au moyen de laquelle il m'a ensuite asséné un coup sur le crâne. Je perds conscience et quand je me réveille, je découvre que je suis dépossédé de mes objets et de ma voiture P-405 qui appartient à mon frère». «Tu dis qu'ils portaient des cagoules, comment tu les as reconnus alors ?», lui réplique le magistrat. «En fait, Z.A ne mettait pas une cagoule mais un bonnet étiré jusqu'aux arcades souricières. Son visage n'était qu'à moitié couvert et c'est pour cela que j'ai pu voir distinctement son visage. C'est lui, là, il n'y a aucun doute. Quant à G.E qui m'attachait, il s'est démasqué un moment le visage dans le feu de l'action. Sa figure est restée depuis gravée dans ma mémoire». Mais c'est plutôt le témoignage de la compagne de Ali qui ne laisse aucune place au doute quant à l'identité des deux agresseurs. Après avoir ligoté et assommé Ali, les deux malfaiteurs l'ont kidnappé et emmené à bord du véhicule volé, prenant la direction de Mostaganem. Ils ont, par la suite, pour des raisons qui demeurent inconnues, laissé tombé leur otage au niveau d'un faubourg à l'entrée de cette ville. La femme enlevée donnera le signalement exact de ses kidnappeurs, qui sont, selon elle, Z.A et G.E. Deux autres victimes, parmi un total de six à l'actif de cette bande qui jetait son dévolu sur les passagers, notamment les couples, dans les bosquets des zones côtières d'Aïn Franine et Marsat El-Hadjadj, ont eux aussi identifié ces deux accusés. C'est grâce à Ali que ceux-ci ont été arrêtés. Depuis son rétablissement, Ali, accompagné de ses amis, s'est mis à guetter ses agresseurs. Son investigation ne fut pas vaine, puisque, quelques jours plus tard, il est tombé sur eux, presque au même endroit. Appelés, les gendarmes se sont déplacés illico sur place et ont pu arrêter Z.A et G.F, qui faisaient le guet à bord d'un véhicule P-406. «Que faisiez-vous dans la forêt d'Aïn Franine, avec une hache trouvée en votre possession par les gendarmes ?», leur demande le juge. «Nous allions souvent là-bas pour ramener du bois sec pour se réchauffer ?», répondent-ils. Parcourir plusieurs kilomètres, de Sidi Chahmi à Aïn Franine, pour ramener une botte de bûchettes dans un véhicule touristique, cette histoire ne convainc personne. Pas plus que le juge, qui leur a riposté que cette version de bûcherons est facilement réfutable par, entre autres, le fait que les gendarmes ont trouvé la hache mais pas un seul morceau de bois dans le coffre de la P-406. Le P.G a requis 15 ans de réclusion contre les deux accusés, dont quatre complices demeurent en fuite. A l'issue des délibérations, ils ont été condamnés à 10 ans d'emprisonnement.