Le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïb Fassi Fihri, a, dans une interview accordée hier au journal espagnol El Pais, rejeté une enquête de l'ONU sur les violences survenues le 8 novembre au Sahara Occidental, en argumentant que la Minurso n'a pas compétence en matière de droits de l'homme. La position du royaume chérifien vient en réponse à la résolution, votée jeudi au Parlement européen, en faveur d'une enquête de l'ONU sur les violences ayant accompagné le démantèlement par les forces marocaines du camp de Sahraouis, Gdeim Izik, près de Laâyoune. Le chef de la diplomatie marocaine a critiqué cette décision en la qualifiant de «précipitée et partiale». Le ministre marocain a également indiqué qu'il « se rendra le 1er décembre au Parlement européen pour démontrer le caractère partial, injuste et déséquilibré de la résolution, en rappelant que son pays refuse que la mission de l'ONU au Sahara Occidental, la Minurso, ait compétence en matière de droits de l'homme comme certains pays et ONG le réclament ». M. Fihri a également déclaré que « son pays ne va pas transiger sur cette question, qui sert ses adversaires, parce que nous sommes en état de guerre ». Interrogé sur les cas de tortures et de disparitions de Sahraouis, le chef de la diplomatie marocaine a rejeté toutes ces accusations à l'issue de la publication de témoignages dans des journaux espagnols. M. Fihri a affirmé que « beaucoup de mensonges ont été dits à l'opinion publique espagnole, qui est mal orientée lorsqu'elle dit que la seule solution pour le conflit du Sahara Occidental est un référendum». Le Parlement européen a adopté à la majorité, jeudi dernier à Strasbourg, une résolution condamnant fermement les violents incidents qui se sont produits dans le camp de Gdeim Izik. Les parlementaires européens ont exprimé leur profonde préoccupation face à la nette détérioration de la situation au Sahara Occidental et considèrent que les Nations unies constitueraient l'organisation « la plus à même de mener une enquête internationale indépendante en vue de clarifier les évènements, les décès et les disparitions». Les eurodéputés, tout en «regrettant les atteintes à la liberté de la presse et de l'information auxquelles ont été exposés de nombreux journalistes européens, demandent au royaume du Maroc d'autoriser la presse, les observateurs indépendants et les organisations humanitaires à accéder librement au Sahara Occidental et à y circuler en toute liberté ». Dans le même ordre d'idée, le Parlement européen insiste sur la nécessité d'inviter les organes des Nations unies à proposer l'instauration d'un mécanisme de surveillance des droits de l'homme au Sahara Occidental. La résolution stipule en outre le soutien de l'Europe à la reprise des pourparlers officieux entre les parties au conflit (Maroc et Front Polisario) en vue de parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable, qui soit conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies. Par ailleurs, les mêmes parlementaires demandent à l'UE d'exiger du royaume du Maroc qu'il se conforme au droit international en ce qui concerne l'exploitation des ressources naturelles au Sahara Occidental. La demande européenne a été relayée le lendemain par l'ONG Human Rights Watch (HRW), qui a interpellé le Maroc en lui demandant d'ouvrir une enquête sur des violences et mauvais traitements qui, selon elle, ont été infligés par les forces marocaines à des détenus après le démantèlement du camp qui abrite quelque 15.000 sahraouis. Selon la même ONG, qui a été autorisée à séjourner dans le camp, les forces de l'ordre ont brutalisé et de manière régulière des personnes arrêtées et par conséquent les autorités de Rabat doivent immédiatement mettre fin à ces violences contre des prisonniers et ouvrir une enquête indépendante. HRW a estimé que rien ne peut justifier de battre des prisonniers jusqu'à évanouissement. Dans son rapport, HRW relève des blessures et des traces de coups sur les visages de certains témoins brutalisés.