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La Banque d'Algérie et le gonflement de la dette à court terme : un effet pervers du Credoc ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 21 - 12 - 2010

Le gonflement de la dette à court terme est-il un effet pervers du crédit documentaire ? Une instruction de la Banque d'Algérie s'inquiète de cette tendance qui serait imputable aux crédits documentaires à paiements différés. Sur le fond, les experts confirment que le Credoc permet de réduire le nombre des importateurs mais pas les importations. Il est coûteux et inadapté aux objectifs recherchés.
Dans une instruction numéro 269 datée du 9 décembre 2010 adressée aux banques et établissements financiers, la Direction générale des changes de la Banque d'Algérie signale que la «dette extérieure à court terme enregistre une croissance à un rythme non souhaitable». La banque centrale n'identifie pas les raisons d'une augmentation de l'encours d'une catégorie d'endettement qui semble connaitre une accélération inattendue. L'Institut d'émission adresse un rappel à l'ordre aux banques commerciales et demande que des dispositions soient prises pour maîtriser l'évolution de la dette à court terme. L'instruction souligne que dans le cadre du suivi de «cet indicateur et afin d'éviter l'accroissement de cette dette à court terme de l'Algérie, alors que la stratégie adoptée en matière de désendettement a permis de réduire fortement la dette extérieure à moyen et long termes, nous vous invitons à prendre toutes dispositions nécessaires pour réduire ce type d'engagement». La circulaire du 9 décembre 2010 demande, à titre de «première mesure» de ramener «l'encours de la dette à court terme à fin décembre 2010 au niveau enregistré à fin décembre 2009». L'instruction demande également que soit transmis à la Direction de la Dette extérieure, les informations «relatives aux débiteurs et aux conditions de mobilisations».
La faute au Credoc ?
Les opérateurs et banquiers contactés estiment que cette augmentation ne peut être attribuée à une défaillance de l'appareil statistique, même si certains expriment certaines réserves quant à la fiabilité effective des données centralisées par la Banque d'Algérie. Pour ces experts, l'augmentation de l'encours de la dette à court terme dans des proportions qui préoccupent la banque centrale trouve sa source principale dans les différés de paiements accordés par les fournisseurs étrangers aux importateurs algériens dans le cadre des crédits documentaires. L'obligation de recourir à la lettre de crédit imposée par la Loi de finances complémentaire 2009, en vigueur depuis juillet dernier, a mis les importateurs face à des difficultés de trésorerie qu'ils atténuent en obtenant de leurs fournisseurs des délais de paiement de différentes maturités. Il est très fréquent que les exportateurs, appuyés par leurs banques, accordent des différés de paiement de 30 à 90 jours et qui dans certains cas, en général pour des produits destinés à la transformation, peuvent aller jusqu'à 12 ou 18 mois. Ces différés de paiement permettent à l'importateur de recevoir sa marchandise et de la commercialiser sur le marché national générant ainsi la trésorerie pour payer son fournisseur. Il s'agit d'une pratique très usuelle qui, dans le cadre d'un crédit documentaire, est sans risque pour le fournisseur. Ce dernier en effet est payé à vue des documents d'expédition par sa banque qui de fait consent le crédit à l'importateur. La banque du fournisseur est elle-même protégée du risque de non-paiement de l'acheteur par la garantie de la banque de l'importateur dans le cadre d'un crédit documentaire «irrévocable et confirmé».
Des commissions de 500 euros par tranche de 10.000 euros !
La multiplication des crédits documentaires, selon une source française citée par le site maghrebemergent.info, les «Credoc» ouverts par les banques algériennes auprès des banques françaises seraient passés de 5 000 à 60 000 en quelques mois. Selon cette même source, le montant minimum de chaque crédit documentaire est en général de 25 000 euros. Cela donne une esquisse indicative des flux de trésorerie mobilisés par les importations et donc de la rapidité de constitution d'une dette à court terme, les «Credoc» ouverts par les banques publiques bénéficiant, in fine, de la garantie implicite de l'Etat. S'il se confirme que ce sont bien les différés de paiement sur crédits documentaires qui sont à l'origine de l'envolée de la dette à court terme sans pour autant réduire le volume des importations, on aura une illustration de l'adage selon lequel le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. L'obligation de recourir à la lettre de crédit devait en imposant un mécanisme de paiement contraignant aboutir à une réduction des importations. Elle n'est visiblement pas efficace, les importations continuant de grimper allégrement. Le médicament ne traite pas la maladie. Il est vrai toutefois que le nombre d'importateurs a baissé car seuls les meilleurs clients des banques peuvent accéder au crédit documentaire. Les autres avantages prêtés au crédit documentaire, comme la fameuse «traçabilité» ne résistent pas à l'analyse. Il reste que ce sont les banques qui sont les grandes bénéficiaires du recours systématique au crédit documentaire, elles engrangeraient en moyenne des commissions (d'engagement et de services) de 500 euros par tranche de 10 000 euros. En plus d'être coûteux, le «Credoc» produirait donc un effet inattendu de gonflement de la dette à court terme.
Quelle réponse ?
Si cette hypothèse se vérifie, il se confirmerait ainsi que les stratégies d'adaptation fondées sur des approches administratives ne fonctionnent pas : l'instauration du crédit documentaire ne joue pas le rôle de filtrage ou d'entonnoir pour les importations. Faudra-t-il revenir à un Comité des grands équilibres pour juguler la compulsion nationale aux importations ? Le problème, à l'évidence, n'est pas dans l'instauration de barrières bureaucratiques. Elles sont inopérantes et peuvent s'avérer plus coûteuses que le problème qu'elles voudraient résoudre. Le découragement de cette propension à l'importation ne peut venir que d'une politique économique claire et cohérente dans les divers aspects, tarifaires, monétaires, industriels etc… Car, au bout de tous les comptes, la réponse ne peut provenir que de la protection et de la dynamisation de la production nationale.


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