Est-ce que la société idéale rend les gens plus heureux ? Voilà la question que Jean-François Kahn, journaliste français, ex-directeur du journal Marianne, a tenté de décortiquer mardi au Centre culturel français d'Oran, conviant l'assistance à en débattre. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Jean-François Kahn a débuté sa carrière journalistique en 1959, dans le journal «Paris Presse, l'intransigeant». Il a été envoyé spécial pour couvrir la guerre d'Algérie. C'est lui qui a mené l'enquête qui a abouti sur la révélation de l'affaire Ben Barka. Par ailleurs, durant les années 70 et 80, il a été un des grands interviewers politiques dans des émissions télévisées de grande écoute. Il est aussi celui qui a fondé le journal «L'évènement du jeudi » en 1984, avant de fonder, en 1997, la revue «Marianne». Jean-François Kahn estime que la société idéale n'est pas possible, et puis, même si elle l'était, on s'ennuierait tellement qu'elle ne serait plus idéale. Il prend alors l'exemple de la Révolution française, celle de 1848. A cette époque, les révolutionnaires prônaient le droit au suffrage universel, le droit à la parité homme-femme, à une assistance sociale, à un revenu minimum, et puis bien sûr à des congés payés. Toutes ces revendications, qu'on taxait de rêveries à cette époque, et d'utopistes ceux qui les prônaient, n'ont pas tardé à devenir, en ce siècle, de véritables acquis. Or, est-ce que cela a rendu pour autant les Français plus heureux ? Jean-François Kahn en doute. «Toutes ces revendications ont fini par se réaliser, mais bizarrement, depuis, on ne trouve plus cette société si idéale !» Autrement dit, un rêve, une fois réalisé, n'est plus un rêve ! Mais cette quête de l'idéal reste malgré tout intéressante. Par contre, le vrai malheur, selon lui, réside en l'époque actuelle, où plus personne ne croit plus en un idéal. Aujourd'hui, la mondialisation fait qu'on ne peut réussir quelque chose que si on le faisait tous en même temps : du coup, les gens sont beaucoup moins optimistes. En fait, pour Jean-François Kahn, le concept du bonheur est social; et tout comme le thé, il infuse. «Pour qu'il soit intense, il faut qu'il soit partagé». Et d'ajouter que la fête n'est autre chose que l'organisation du bonheur collectif. Et encore «qu'haïr ensemble peut donner aussi, malheureusement, l'impression de bonheur», d'où l'avènement du fascisme ! Enfin, il a conclu en déclarant que les «utopies d'hier ne sont autres que la réalité d'aujourd'hu» . , et que le but n'est pas d'atteindre coûte que coûte une société idéale, mais au contraire d'œuvrer, en permanence, pour une société plus juste, plus égalitaire, plus vivable