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Un an après son retour, Youcef Yousfi devant «d'invisibles lignes rouges»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 17 - 05 - 2011

Rien n'a vraiment changé dans le secteur de l'énergie et des mines depuis une année que Chakib Khelil l'a quitté. Ce constat, pour le moins sévère, tiré par des acteurs du secteur a une explication. Youcef Yousfi, le ministre de retour n'est pas libre d'agir. Un dossier sur lequel cependant tout le monde attend de lui qu'il modifie sa feuille de route, le cadre légal de l'activité extractive. La panne ne peut plus durer sur l'amont pétro-gazier algérien.
La loi sur les hydrocarbures d'avril 2005, révisée en septembre 2006, décriée par les compagnies étrangères et des experts nationaux de renom constitue toujours le cadre juridique de l'investissement étranger dans la branche. Le retour, il y a bientôt un an, fin mai 2010, de Youcef Yousfi à la tête du secteur de l'énergie et des mines, avait laissé penser que les choses bougeraient sur ce front sensible de la compétitivité de l'amont algérien. Il n'est pas question de réviser la loi, a tranché le ministre en juillet 2010, devant la presse, en marge du lancement du troisième round en matière d'exploration. «Le ministre de l'Energie a des lignes rouges que le président de la République lui a tracées lorsqu'il a dû le nommer pour remplacer son ami Chakib Khelil. En gros, Yousfi doit continuer la politique de Khelil. Il semble que sa marge de manœuvre est très réduite et son bilan depuis une année le montre assez bien » affirme un ancien dirigeant de Sonatrach. La dernière ouverture des plis de mars dernier a enregistré l'absence de la quasi-totalité des compagnies étrangères présentes en Algérie. Deux permis sur dix ont été attribués. Ce cuisant échec aurait été plus prononcé si Sonatrach, la compagnie pétrolière nationale n'était pas entrée dans la course et n'avait remporté l'une des deux licences cédées par Alnaft. La position du ministre sur le cadre légal n'a pas pourtant évolué. L'enjeu est essentiel, si personne ne vient prospecter le domaine minier algérien, le renouvellement des réserves, en chute libre depuis 05 ans, débouchera sur une déplétion plus précoce que prévu. L'autonomie de décision du ministre Youcef Yousfi paraît, pour de nombreux observateurs du secteur, obérée dans le cas du management de Sonatrach. Le ministre continue de cohabiter avec un PDG, Nordine Cherouati qu'il a trouvé en place. « Les grandes options de l'avenir énergétique notamment la place du nucléaire civil dans un mix énergétique demeurent celles arrêtées du temps de Chakib Khelil» précise le pétrolier à la retraite. Sur aucun des dossiers majeurs du secteur la touche de Youcef Yousfi n'a encore réellement déteint. Les partenaires de Sonatrach et les investisseurs étrangers espèrent toujours que l'amendement du cadre légal dans le sens d'un retour au partage de production et à sa fiscalité plus clémente, sera l'acte d'émancipation du ministre de retour depuis un an.
Le retour au cadre de la 86-14 en suspens
Les compagnies étrangères préfèrent la loi 86-14. «Elle leur offre plus de visibilité», soutient un représentant d'une compagnie étrangère. Plus explicite, Mourad Preure, expert international, observe que les compagnies étrangères sont habituées au contrat de partage de production(PSC) et au contrat de service, une pratique courante notamment au Moyen-Orient. Or, la nouvelle loi sur les hydrocarbures instaure un régime de concessions avec un dispositif fiscal plus compliqué. Elle a pour inconvénients, ajoute-t-il, d'obliger Sonatrach à investir dans le projet d'exploration ou de développement en partenariat en proportion de sa part dans la joint venture. Dans la loi 86 -14 , Sonatrach pouvait ne mettre aucun sou dans le projet et bénéficier des 51% à l'exploitation du gisement. Dans ce régime, Sonatrach détenait seule la licence. Avec la nouvelle loi, la compagnie pétrolière nationale et les groupes étrangers partagent le permis.
En fin de compte , en dépit de ces résultats fort modestes et des inconvénients de cette loi qui était censée dans sa mouture initiale accorder plus de droits aux compagnies étrangères, notamment américaines, la révision du texte est gelée. La part des compagnies étrangères dans le projet pouvait atteindre 70%. Une disposition qui a provoqué une levée de boucliers chez les cadres de Sonatrach, dans une large partie de la classe politique et au sein même du gouvernement. Les amendements de 2006 ont fort heureusement rétabli Sonatrach comme acteur dominant dans le domaine minier national avec le maintien de sa part majoritaire, au minimum à 51% . Les compagnies étrangères ont perdu l'avantage concessionnel de la loi Khelil, mais ont continué à subir sa fiscalité pénalisante. D'où leur boycott à peine voilé des appels d'offres de Alnaft. Mais toutes ces péripéties n'ont pas fait bouger d'un iota la position du ministre de l'Energie et des Mines. «Il est clair que le ministre de l'Energie a reçu des instructions de la Présidence pour ne pas réviser cette loi, pour ne pas changer la politique de Khelil», confirme une autre source au ministère de l'Energie et des Mines. Youcef Yousfi est sur un plan personnel favorable à la formule de partage de production. Il en était est un des principaux concepteurs en 1985.
Panne de Sonatrach à l'international
Le bilan de la première année de Youcef Yousfi en l'absence de réforme sur le plan du cadre juridique demeure très mitigé. Face à des enjeux importants, le premier responsable du secteur souffre de la comparaison sur le front de la communication par rapport à son prédécesseur. La communication interne et externe a certes était rétablie, notamment, pour amortir les effets du scandale Sonatrach. Mais pour le reste, le ministre s'est prononcé rarement sur les grands dossiers alors que l'actualité ne manquait pas d'occasions pour le faire notamment au sujet de l'option du nucléaire civil, du développement des gaz schistes ou de la pétrochimie. Là, les choix ont été opérés sans une large consultation des spécialistes. «Les chantiers ont été lancés par Khelil. Youcef Yousfi ne fait que suivre une feuille de route tracée par son prédécesseur et entérinée par la Présidence» conclut la source au ministère. La modernisation de Sonatrach est restée également un chantier lointain du point de vue de la tutelle. Or, la compagnie pétrolière nationale fait face à des enjeux de positionnement sur la scène énergétique internationale, face à la concurrence de compagnies de pays comme le Qatar, la Russie, a besoin particulièrement d'une dynamique à l'international. Le retrait de la Lybie, perte de ressources humaines de haut niveau, Sonatrach est en panne sèche dans sa stratégie à l'international. Un autre thème sur lequel la communication ministérielle fait défaut. Lignes rouges.


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