Le ministre des Ressources en eau a sérieusement reproché à la Seaco les retards qu'elle a accumulés dans l'atteinte des objectifs qui lui sont assignés, dans le contrat qui lui a été renouvelé en 2009. En visite d'inspection, mardi dernier, à Constantine, Abdelmalek Sellal a rencontré les responsables de la Seaco (Société des eaux et d'assainissement de Constantine) pour en connaître les contraintes. Créée sur la base d'une association publique-privée de droit algérien, la Seaco est composée de deux actionnaires publics qui sont l'ONA (Office national de l'assainissement) et l'ADE (Agence de développement des eaux) et une partie privée représentée par la SAM (Société des eaux de Marseille) à qui revient le volet management et formation pour tout ce qui touche à la maîtrise et la gestion de la ressource. Dotée d'un montant de 30 millions d'euros, elle est chargée de régler les problèmes de l'eau dans la région. La Seaco a été «présentée» au ministre par son directeur général, Michel Vallin, lors d'une visite guidée du siège dans l'après-midi du mardi. «Nous avons 22 agences réparties sur la wilaya de Constantine pour le paiement des factures clientèle, et nous avons en gestion près de 1.000 km de réseau de distribution de l'eau potable», a fait savoir Vallin à Sellal. Il indiquera qu'en 2010, il a été recensé 130.000 abonnés. Chiffre qui a augmenté pour atteindre 164.000 abonnés à fin 2011. Conformément aux articles du contrat, la SAM a été chargée de réhabiliter 120 km du réseau en question. C'est ce qu'elle a fait durant ces trois dernières années au titre d'un contrat de 5 ans qui, pour rappel, lui a été renouvelé en 2009. Vallin indique au ministre que la distribution de l'eau dans la wilaya de Constantine est de 16h pour une grande partie des communes et de 18h pour certaines d'entre elles. Il existe des communes où l'eau est distribuée un jour sur trois et d'autres un jour sur deux. Si le H24 est loin d'être atteint, c'est en raison de la vétusté du réseau de distribution. La Seaco a enregistré 3.085 fuites durant l'année 2010 et 2.163 autres, rien qu'à fin janvier 2011. «Nous avons réparé 4.000 fuites l'année dernière et nous pensons qu'elles atteindraient 4.500 cette année», estime Vallin. Ce dernier souligne qu'en intervenant 4.000 fois dans l'année dans le domaine de l'assainissement, «nous avons atteint les objectifs escomptés qui sont de 20% linéaires chaque année au curage et au niveau des installations et réseaux des voieries». Le centre téléphonique de la Seaco a répondu, selon lui, à 75% des 6.000 appels qu'il a reçus. REPROCHES POUR OBJECTIFS NON ATTEINTS Le DG de la Seaco indiquera, par ailleurs, que la formation des personnels algériens «avance bien». La Seaco a pour mission de former, selon lui, une soixantaine de cadres et personnels techniques et une cinquantaine de managers principaux «dans un dispositif de formation interne avec un effort particulier d'intégration de jeunes diplômés» et ce jusqu'en 2014, date de la fin de son deuxième contrat. Il est d'ailleurs prévu dans le contrat la construction d'un centre de formation dans le quartier de Bab El-Kantra. «Nous venons d'avoir le terrain, nous nous attelons à définir un projet spécifique à la qualité de ce terrain et nous avons un programme fonctionnel en cours d'élaboration», dit le DG de la Seaco au ministre en ajoutant que «le centre peut avoir une dimension régionale dans les spécialités de l'eau et pourra ainsi accueillir 150 stagiaires par an». «Vous auriez dû déjà démarrer, vous êtes en retard !» lui reproche Sellal. Vallin reconnaît qu' «il reste beaucoup de travail à faire». En fait, le DG de Seaco a reconnu que la société a enregistré du retard sans pour autant en expliquer les raisons. «Avez-vous des contraintes ?», interrogera plusieurs fois le ministre sans avoir de réponses. Vallin semblait plutôt gêné, pas forcément parce qu'il n'avait pas de réponse, mais il semble qu'il ne voulait pas parler des contraintes sur le terrain. Les cadres du secteur de l'eau qui accompagnaient Sellal ne sont pas de cet avis. «Il dit qu'il est satisfait des 16h et 18h de distribution de l'eau, ce n'est pas du H24 mais du quotidien», nous dit Hasni, DG de l'ONA. Il rappelle d'ailleurs que «c'est la Seaco qui a réhabilité le réseau d'AEP de Constantine, pourquoi alors y a-t-il autant de fuites ?» Au sujet de la formation, Hasni note que le centre de formation de la Seaco doit s'adresser aux personnels de maîtrise et d'exécution pour un transfert de savoir-faire aux fins de pérenniser l'expérience. A la fin de la présentation d'un data show sur le fonctionnement de la Seaco, le ministre réagit encore : «C'est vraiment limite comme objectifs atteints» et souligne «sur la qualité du service de distribution, il y a une progression mais c'est insuffisant ! En principe, vous auriez dû déjà atteindre 65 à 70% en H24 alors que vous n'en êtes qu'à 58% !» 25 AVIS D'APPELS D'OFFRES INFRUCTUEUX Sellal réclame à la Seaco l'installation de la télégestion, un dispositif qui permet de détecter les dysfonctionnements du réseau et de les réparer en temps réel. «L'installation de la télégestion doit en principe être faite pour que les personnels algériens prennent le relais directement. Pourquoi attendre la fin de votre contrat pour le faire ?» interroge-t-il. Chargée de la gestion mais aussi de la modernisation des infrastructures de distribution et de l'assainissement de l'eau, la Seaco a aussi failli, selon les responsables du secteur, à cette dernière mission. Elle a lancé des avis d'appels d'offres nationaux pour la réalisation de diverses infrastructures mais aucun n'a abouti. «Vous avez lancé 25 avis d'appels d'offres qui se sont avérés infructueux, qu'est-ce que vous attendez pour passer au gré à gré ?» interroge encore le ministre. «La réglementation algérienne permet de passer au gré à gré si l'infructuosité est prouvée», rappelle-t-il conformément aux dispositions du code des marchés publics en vigueur. «On peut, on doit et il est impératif qu'on aille vite !» affirme-t-il. «Le ministre appelle «à la charge», le DG de l'ONA. «Il faut accélérer l'attribution des marchés pour améliorer la distribution», affirme Hasni sans ambages. «La progression n'est ni maîtrisée, ni sécurisée, ni pérennisée, il y a trop de fuites, ce n'est pas normal», renchérit-il. Hasni recommande de «passer de la gestion de pompier à la gestion préventive». En tant qu'actionnaire, le DG de l'ONA avoue être insatisfait du travail accompli. Le ministre appelle, cette fois, le DG de l'ADE. «Après trois ans de présence à Constantine, le taux de réhabilitation du réseau reste très lent», lance Mechia. «On est loin encore du schéma directeur que vous avez la charge d'élaborer, il faut absolument raccourcir les délais», estime-il. Le schéma directeur en question permet d'engager des investissements à l'horizon 2030 dont la première priorité est un système d'information géographique de l'assainissement dont la non-installation est déplorée par le DG de l'ONA. Il est ainsi reproché unanimement à la Seaco de n'avoir pas progressé dans la mise en œuvre du business-plan qui lui a été tracé. «A Oran, ils sont à 90% en H24, ils ont beaucoup avancé alors qu'ils buvaient de l'eau salée un jour sur deux», note le ministre comme pour titiller Vallin. Tout en rappelant les instructions qu'il dit avoir données, les derniers temps, pour améliorer la distribution de l'eau, le wali de Constantine intervient pour souligner, au sujet des fuites, que «le dernier audit a relevé un taux de 25% de fuites physiques». L'absence d'un système de microcomptage des déperditions déplaît fortement aux actionnaires de la Marseillaise des eaux. «Nous restons à votre disposition pour lever toute contrainte», dit le wali à Michel Vallin. Première décision de Sellal pour corriger ses lacunes : «Je remplace le président de la commission des marchés par le président du Conseil d'administration de la société pour insuffler une nouvelle dynamique à la démarche». C'est désormais le directeur des ressources en eau de la wilaya (DREW) qui présidera, dès son installation la semaine prochaine, la commission des marchés. Avant de passer au gré à gré, la Seaco pourra lancer des avis d'appels d'offres internationaux. Les responsables indiquent que «pour les deux, des dérogations doivent lui être données par la tutelle».