Après le prince héritier saoudien, l'émir Nayef Ben Abdelaziz Al-Saoud, vice-président du Conseil des ministres, ministre de l'Intérieur du royaume d'Arabie Saoudite, c'est au tour du chef d'état-major des forces armées du Qatar, le général-major Hamad Ben Ali Attiya, à entamer mardi une visite officielle de deux jours en Algérie. Officiellement, à l'invitation du général de corps d'armée, Ahmed Gaid Salah, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP). La communication officielle, minimaliste, a tendance à mettre en avant les relations bilatérales. C'est le cas, par exemple, de la visite du chef d'état-major qatari dont on précise qu'elle «s'inscrit dans le cadre de la coopération militaire entre l'Algérie et le Qatar». L'émir héritier saoudien a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika à la résidence d'Etat de Zéralda. Il est probable que le chef d'état-major de l'armée qatarie le sera également. Et il n'est pas difficile d'imaginer que le sujet de préoccupation majeur qui mobilise les monarchies du Golfe et singulièrement Ryad et Doha a pour nom: la Syrie. FIXATION MONARCHIQUE ET SECTARISME RELIGIEUX C'est même une fixation des deux monarchies dont les responsables sont engagés dans une sorte de bras de fer personnel pour faire tomber Bachar Al Assad et son régime. Depuis le début de la crise syrienne, les deux capitales ont mis à disposition de l'opposition syrienne leurs chaînes de télévision satellitaires et notamment les deux «concurrentes», Al Jazira et Al-Arabiya. Les deux chaînes d'information continue les plus regardées du monde arabe ne font plus même pas attention aux formes et se livrent à une propagande primaire qui gêne même les plus grands détracteurs du régime de Bachar Al Assad. Ces médias obéissent à leurs propriétaires juridique et politique qui ont fait de la chute du régime en place à Damas la priorité absolue. Leur diplomatie est hyperactive et elles ont réussi, jusqu'à un certain point, à prendre en main la Ligue arabe. Jusqu'à un certain point seulement. Il est clair que tous les membres de la Ligue ne partagent pas la démarche offensive de Ryad et de Doha, fortement motivée par un sectarisme sunnite et une volonté de briser ce qu'ils considèrent comme «l'arc chiite» qui va de Téhéran à Beyrouth en passant par Baghdad et Damas. Il n'est pas utile de relever que le dernier sommet arabe, tenu précisément à Baghdad, n'a pas repris l'exigence d'un départ de Bachar Al Assad. Et bien entendu, le gouvernement algérien, tout en adoptant une position «discrète» sur la crise syrienne, ne partage pas, lui aussi, l'activisme anti-Bachar des monarchies du Golfe. Sur la crise syrienne qui est «lointaine», comparativement à la crise libyenne qui se déroulait à sa frontière, l'Algérie n'est pas vraiment très loquace. Et on peut voir dans ce défaut d'expression une forte réserve à la démarche des Saoudiens et des Qataris. DISTRIBUER DES ARMES, UNE IDEE DANGEREUSE L'idée des Saoudiens et des Qataris de livrer des armes à l'opposition syrienne-ils le font déjà selon de nombreuses sources - est, vue d'Alger, une très mauvaise idée. Et l'actualité du Mali qui s'effondre rappelle qu'on ne met pas impunément en circulation des armes sans que cela ne provoque des dommages majeurs. La destruction du pouvoir libyen par la guerre menée par l'Otan a entrainé un déversement d'armes dont on voit l'effet au Mali. C'est un feu qui pourrait s'étendre à d'autres pays. La comparaison avec la Syrie n'est pas farfelue. Le régime syrien est politiquement affaibli mais après une année de contestation et des défections au sein de l'armée, les appareils sécuritaires restent largement acquis au régime. Organiser un flux d'armement vers la Syrie ne va pas entraîner la chute du régime mais une plongée abyssale dans une guerre civile et intercommunautaire qui risque de souffler, immédiatement, le Liban. Il sera difficile pour Ryad et Doha de convaincre Alger de soutenir une militarisation aventureuse qui ne va pas faire tomber le régime mais qui risque, plus sûrement, de détruire la Syrie. Même si le régime syrien n'est politiquement pas défendable, rien ne justifie qu'Alger suive Doha et Ryad dans une démarche maximaliste qui refuse le principe de la négociation Et qui pousse pas conséquent à la poursuite d'un interminable et destructeur bras de fer.